Jean-Michel Severino, Président d’Investisseurs & Partenaires, Patrick Guillaumont, Président de la Fondation pour les études et recherches sur le développement international, et Sidi Khalifou, Président du Club Africain des Entrepreneurs, reviennent sur les enjeux qui ont amené ces trois institutions à s’associer pour lancer un blog dédié à l’entrepreneuriat africain.
La croissance africaine a été dans l’ensemble solide depuis le début du siècle. Les 15 premières années ont été marquées par des chiffres élevés, résultant des transformations démographiques du continent, de changements dans les politiques économiques, des allégements de dette des années précédentes et enfin d’un moment favorable dans les termes de l’échange. Depuis 2015, les performances consolidées du continent sont moins favorables, en raison principalement de la chute du cours des matières premières et de celui du pétrole, malgré son retournement récent. La sécurité et l’environnement politique restent incertains dans de nombreux pays. Le paysage macroéconomique est aussi assombri par une remontée de l’endettement public. Dans ce contexte, la situation du continent s’est profondément diversifiée, entre des pays qui persistent en grave crise sociale et politique, des pays en ajustement structurel profond, des pays à croissance élevée…
Néanmoins, quelles que soient les performances macroéconomiques, malgré une amélioration de nombreux indicateurs sociaux (éducation, mortalité, morbidité,…), le bien-être des populations africaines a insuffisamment augmenté. Les inégalités ont cru notablement. Le rythme et la continuité de la croissance restent fragiles. Aux taux de croissance actuels, si le taux de pauvreté peut reculer, le nombre absolu de pauvres continuera à croître. De plus l’économie s’est insuffisamment diversifiée et sa productivité a faiblement augmenté, malgré un puissant essor entrepreneurial, fruit des transformations du marché intérieur, d’un plus haut niveau d’éducation, et de meilleures politiques: le rythme et la continuité de la croissance restent fragiles. L’accélération de cet essor entrepreneurial est fondamentale pour la pérennité de la croissance africaine.
L’accélération de cet essor entrepreneurial est fondamentale pour la pérennité de la croissance africaine.
Le tissu économique africain demeure très faible, et il est en cours de fabrication. Servir le marché intérieur créé par l’essor démographique du continent exige de nouvelles générations d’entreprises aptes à fournir les biens et services dont les Africains ont besoin. Cet essor est également essentiel pour créer les 450 millions d’emplois requis pour absorber la croissance de la population active d’ici à 2050. Il est fondamental pour la performance sociale : sans emplois qualifiés, il y a peu de chances de voir l’essentiel de la population accéder à des niveaux décents de santé et d’éducation. Start-ups et PME devront fournir une part majoritaire de cette création d’emplois formels. Il y va également de la soutenabilité environnementale : les entreprises devront maîtriser pollutions, déchets, émissions de carbone et impacts sur la biodiversité pour que la croissance africaine soit durable et que le bien-être des africains progresse. La qualité du tissu économique aura aussi un impact sur la bonne gouvernance, le niveau de la fiscalité et la démocratie sur le continent.
C’est au regard de tels enjeux que la Ferdi, I&P et le Club Africain des Entrepreneurs lancent en commun ce blog consacré à l’entrepreneuriat africain.
Les objectifs ? Faire reconnaitre qu’y répondre est prioritaire pour le développement africain et alimenter la réflexion des gouvernements comme des institutions internationales et privées, y compris des grandes entreprises et banques : promouvoir le tissu entrepreneurial n’est pas qu’une responsabilité publique. Apprendre et comprendre ce sujet en écoutant tous les acteurs, à commencer par les entrepreneurs eux-mêmes. Susciter et mettre en lumière des propositions de politique publique ou d’initiative privée pour promouvoir un entrepreneuriat africain responsable.
Susciter échanges et discussions entre entrepreneurs pour améliorer la stratégie et le management de leurs entreprises. Et faire le tout en croisant expériences et recherche, témoignage et analyse, échanges directs et documents de réflexion. Ce croisement original entre pratique et recherche, sur un sujet en constante évolution, permettra, au-delà des silos historiques, l’interpénétration des points de vue. Il nourrira chacun, dans les centres de recherche ou les locaux des entreprises, des contributions de l’autre.
Ce blog sur une Afrique entreprenante qui se découvre elle-même chaque jour est donc aussi une entreprise, une start-up innovante qui se fraiera son chemin, avec la contribution de tous.