Penser et agir pour l’entrepreneuriat en Afrique

Afrique

Mesurer l’Impact des Institutions Éducatives dans l’Enseignement Supérieur en Afrique de l’Ouest : les indicateurs clés

Depuis les années 2000, on observe le développement massif des offres privées d’enseignement supérieur. Cette offre, se caractérise par une diversité, allant des micro-établissements disposant de peu de moyens à…

Depuis les années 2000, on observe le développement massif des offres privées d’enseignement supérieur. Cette offre, se caractérise par une diversité, allant des micro-établissements disposant de peu de moyens à de grands groupes universitaires. Cette croissance rapide renforce la nécessité de mesurer l’impact social de ces institutions, pour garantir et contrôler la qualité de l’offre de formation.

En partenariat avec 60 Décibels (1), société de mesure d’impact,  I&P Education et Emploi (2), programme de financement qui vise à améliorer l’accès à une éducation de qualité, a mis en place des enquêtes « lean data » afin de contrôler et d’améliorer la mesure de l’impact des entreprises financées par le programme.

Entre 2021 et 2023, 60dB a réalisé 23 études avec 18 établissements d’enseignement post-secondaire. Des chercheurs formés par 60dB ont mené 5 448 entretiens téléphoniques avec les anciens étudiants des établissements. Ces anciens élèves ont été sélectionnés au hasard dans des bases de données compilées et partagées par chaque institution, avec des cohortes allant de 5 ans jusqu’à leur entrée dans le programme IP2E. Dans la mesure du possible, 60dB a ciblé un échantillon de 200 à 250 anciens élèves par institution, afin de garantir un niveau de confiance de 90% et une marge d’erreur de 5%. Ces données étaient essentielles pour aider les entreprises à mieux comprendre leur rôle dans les parcours professionnels de leurs anciens étudiants. Ils ont orienté la mise en œuvre de stratégies, soutenues par IP2E, afin d’améliorer leur impact sur leurs étudiants actuels.

Dans un contexte sous-régional de manque de données, cet article revient sur les principaux indicateurs que les entreprises éducatives devraient prendre en compte dans la mesure de leur impact.

Pour accéder au rapport dans son intégralité : cliquer ici 

Rapport : L’impact des entreprises éducatives privées sur l’employabilité des jeunes en Afrique

 

  • Comprendre le profil démographique de ses étudiants

Les établissements doivent comprendre l’origine, non seulement géographique, mais aussi socio-économique de leurs étudiants. Ces segmentations sont essentielles, afin d’évaluer si tous les étudiants, quel que soit leur genre, âge, niveau socio-économique, lieu de vie, possèdent les mêmes chances de trouver un emploi. Ces paramètres peuvent guider les entreprises dans la mise en place de mécanismes spécifiques, tels que des bourses sociales, ou encore la délocalisation dans des zones rurales.

I&P, à travers le programme IP2E, cherche à savoir si les étudiants sont issus de milieux défavorisés, en examinant des variables clés : s’ils vivent dans des zones rurales, s’ils étudient dans des zones où les indicateurs de développement socio-économique sont faibles et s’ils ont besoin de mécanismes d’inclusion sociale (c’est-à-dire de bourses) pour poursuivre leurs études. Dans le cadre de ce rapport, les établissements comptant plus de 80% d’étudiants issus de milieux défavorisés sont classés comme ayant un niveau de désavantage « élevé ».

Démographie

  • Mesurer l’insertion professionnelle

L’insertion professionnelle des diplômés est un indicateur clé de l’efficacité des institutions éducatives, mais sa mesure est complexe.

Dans le cadre de cette étude, le taux d’insertion désigne la proportion d’anciens étudiants qui déclarent être actuellement employés et qui déclarent avoir trouvé un emploi dans les six mois suivant l’obtention de leur diplôme. Les taux d’insertion des diplômés peuvent être influencés par des facteurs externes tels que la conjoncture économique, rendant difficile l’attribution directe de l’emploi à la qualité de l’éducation reçue.

Au moment de l’étude, 61% des anciens étudiants des établissements du portefeuille IP2E avaient un emploi. 39% l’ont trouvé dans les six mois suivant leur formation.

Les établissements doivent également comprendre les raisons de non-emploi de leurs alumni. Les anciens étudiants interrogés évoquent le manque d’opportunités d’emploi dans un environnement concurrentiel, des problèmes administratifs avec leurs institutions et des transitions de carrière pour expliquer cette situation. 10% d’entre eux poursuivaient leurs études au moment de l’étude.

Taux d'insertion

  • Identifier les filières les plus porteuses

L’étude a révélé que les anciens élèves titulaires d’un diplôme de la formation professionnelle sont plus susceptibles d’entrer de manière indépendante sur le marché du travail et ont donc le taux d’insertion moyen le plus élevé, à savoir 46%. Les établissements doivent également déterminer si les compétences transmises sont utilisées par les étudiants dans leur travail.

  • Connaître les canaux d’insertion professionnelle

Les établissements peuvent mesurer leur contribution à la recherche d’emploi des étudiants. Pour cela, elles doivent identifier par quels intermédiaires les étudiants ont trouvé leur emploi. Dans notre étude, près de 3 anciens étudiants sur 10 comptent sur leurs amis ou leur famille pour trouver un emploi. 15% d’entre eux s’appuient également sur des réseaux externes. Seuls 12% trouvent leur emploi grâce aux services d’orientation professionnelle des écoles. Cet élément se révèle être pourtant un des principaux éléments de satisfaction des étudiants pour recommander leur établissement. De ce fait, les entreprises doivent renforcer leurs services carrières.

  • S’informer sur la satisfaction des diplômés

La situation professionnelle des anciens étudiants influence leur niveau de satisfaction à l’égard de l’établissement. Le Net Promoter Score (NPS) est un indicateur courant de la satisfaction et de la fidélité des clients. L’étude révèle qu’il est plus élevé chez les étudiants qui ont un emploi que chez les chômeurs. Les anciens étudiants prennent en compte la qualité des formations, la pertinence des formations, l’environnement d’apprentissage et le soutien apporté aux étudiants dans la recherche d’emploi.

  • Intégrer la multi-dimensionnalité de la mesure d’impact

60 dB a créé un indice d’impact propre à I&P : l’I&P Education Impact, qui inclut les facteurs les plus cités par les alumni dans la définition de leur qualité de vie. Il a été mesuré à travers une question délibérément ouverte, pour connaître la perception des anciens élèves sur leur bien-être. Les paramètres les plus importants qui en sont sortis sont :

      • Les conditions d’emploi : le facteur le plus fondamental est d‘avoir un emploi, que ce soit de manière formelle ou informelle, ou par le biais d’une activité indépendante ou d’un rôle de conseiller.
      • Le premier emploi : l’obtention d’un premier emploi dans les six mois suivant l’obtention du diplôme est également un facteur clé de l’efficacité de l’insertion professionnelle.
      • Les prestations de retraite : la pension de retraite est la première prestation sociale déclarée et sert d’indicateur de l’emploi formel. C’est un signe d’accès à une prestation de base et essentielle.
      • La satisfaction en matière d’emploi : le type d’emploi (formel, informel, stage, auto-emploi) joue également un rôle clé.
      • La satisfaction en matière de salaire : de même, au-delà de la satisfaction à l’égard de l’emploi lui-même, la satisfaction à l’égard du salaire est également importante, car elle couvre les aspects financiers.
      • La qualité de Vie : l’amélioration du bien-être général, telle qu’elle est perçue par les anciens élèves eux-mêmes, est un indicateur d’impact primordial.

Qualité de vie

 

D’ici 2030, 30 millions de jeunes entreront chaque année sur le marché du travail africain. Les universités et les centres de formation professionnelle jouent un rôle primordial pour permettre aux étudiants de développer au maximum leurs acquis et apporter une contribution efficace sur le marché du travail. L’impact des institutions éducatives dans l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest est multidimensionnel, englobant l’insertion professionnelle, l’inclusion sociale et l’amélioration de la qualité de vie des étudiants. Mesurer cet impact présente des défis significatifs mais essentiels pour informer les politiques éducatives et les pratiques institutionnelles.


(1) 60 Decibels est une société de mesure d’impact qui apporte rapidité et évolutivité à la mesure de l’impact social et à la connaissance de ses clients.

(2) L’Initiative I&P Éducation et Emploi (IP2E), programme de financement d’impact lancé en 2021 qui vise à améliorer l’accès à une éducation de qualité et à renforcer l’adéquation formation-emploi en Afrique, afin de garantir de meilleures opportunités d’emploi. IP2E finance et soutient les entreprises privées de l’écosystème de l’éducation post-secondaire.

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Entretiens avec l’écosystème éducatif au sénégal : les impératifs à l’employabilité

Chaque année, le Sénégal voit émerger une cohorte de 200 000 jeunes sur son marché du travail, selon les données officielles du ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle de…

Chaque année, le Sénégal voit émerger une cohorte de 200 000 jeunes sur son marché du travail, selon les données officielles du ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle de l’Apprentissage et de l’Insertion. Pourtant, malgré cette abondance de main-d’œuvre potentielle, le chômage des jeunes reste une préoccupation majeure.

Cette réalité soulève une question cruciale : pourquoi cet écart entre l’offre et la demande d’emplois ? Et pourquoi tant de jeunes diplômés peinent-ils à trouver une place sur le marché de l’emploi ?

Au 21ème siècle, les métiers ont connu une évolution grandissante et continue, en exigeant des diplômés des qualités non seulement techniques mais surtout, d’être en mesure de faire preuve d’habiletés et d’attitudes personnelles et interpersonnelles : les soft skills.

Dans cet article, nous échangeons avec plusieurs acteurs de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’entrepreneuriat au Sénégal,  sur l’actualisation des connaissances et sur l’importance de développer les soft skills dans une optique d’employabilité.

 

” Les compétences sur lesquelles sont formées les jeunes ne sont pas toujours adaptées aux besoins réels du marché du travail “

La formation des jeunes doit être alignée avec les besoins réels du marché du travail pour garantir une transition efficace de l’éducation à l’emploi.  Cet écart s’explique, d’une part, par le fait que l’on met trop l’accent sur l’acquisition de connaissances théoriques au détriment des compétences pratiques. Sur le court et moyen terme, ce décalage peut être comblé par un apprentissage sur terrain dès les premières années de formation, à travers des stages en entreprise ou des alternances. En second lieu, il y a le retard technologique : les avancées technologiques modifient constamment les exigences en matière de compétence et les programmes de formation ne sont pas actualisés assez rapidement pour suivre cette évolution.

– Florence Diob, Responsable du Financement du Fonds de Financement de la Formation professionnelle et technique

 

” Développer tout autant les Soft skills que les Hard skills “

La qualité de l’éducation s’est sensiblement améliorée, du moins du point de vue technique, mais l’employabilité exige que les apprenants développent les soft skills tout autant que les hard skills. Communiquer efficacement, résoudre des conflits, gérer les relations interpersonnelles… ces aptitudes peuvent s’acquérir dans un circuit de formation initial, mais également via des offres de formations continues et de courte durée. Travailler ces aspects-là permettent d’acquérir un ensemble complet de compétences qui sont nécessaires pour réussir et s’imposer dans un monde professionnel concurrentiel.

– Harouna Thiam, Responsable Formation-Insertion – Ministère de la Formation Professionnelle et Technique

 

” Enseigner et professionnaliser “

Il y a une différence notable entre enseigner, qui est le fait de transmettre des connaissances et des concepts, et professionnaliser, qui vise à préparer les apprenants dans un environnement professionnel en développant des compétences pratiques et applicables.

Nous proposons une formation école-entreprise, donc enseignement-professionnalisation, avec deux restaurants d’application et une pâtisserie afin de permettre aux étudiants d’être exposés à un environnement professionnel dès leurs parcours d’apprentissage. Depuis 2006, nous avons également mis en place des partenariats avec de grandes institutions hôtelières pour le recrutement de jeunes apprenants. Dans un futur proche, nous prévoyons également de créer une agence de placement pour nos sortants.

– Sidy Dieme, Directeur de l’Institut Les Marmitons[1]

 

” Une école entrepreneuriale “

Une grande majorité des cursus de formation apprennent aux étudiants comment effectuer un travail. Nous nous sommes donnés comme mission de leur apprendre à en créer. Les actions débutent depuis la première année de licence avec l’insertion du module entrepreneurial dans le programme de licence pour compléter les compétences managériales.

L’école entrepreneuriale se déroule sur 3 étapes :

  • En 1e année : Découverte de l’entreprenariat avec une idée de projet pour chaque étudiant ;
  • En 2e année : Les étudiants vont créer une mini entreprise ou scénario pour un service ;
  • En 3e année : création d’un business plan.

Nous nous concentrons spécifiquement sur le développement des compétences entrepreneuriales, des connaissances en gestion d’entreprise et des aptitudes nécessaires pour créer, gérer et développer une entreprise avec succès.

– Georges Ndeye, Directeur Général d’ISM Ziguinchor [2]

 

” Les économistes doivent faire une cartographie des besoins en termes d’emploi” 

Les grandes tendances du marché du travail peuvent s’anticiper. La cartographie des besoins en termes d’emploi est cruciale pour garantir une meilleure adéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail, favoriser le développement économique, réduire le chômage et améliorer la productivité et la compétitivité des travailleurs et des entreprises.

D’un côté, les résultats de cette cartographie permettraient à un nombre plus conséquent de jeunes de mieux s’orienter dans le choix de leurs parcours académique, et préviendrait par la même occasion une potentielle pénurie de compétences.

– Mame Pemba Balde, HR Manager CRS Afrique de l’Ouest [3]

 

Le développement du capital humain pour les compétences d’adaptabilité et d’intégration dans un marché du travail en pleine mutation, souligne l’importance de repenser les stratégies éducatives. Les programmes de formation doivent désormais non seulement motiver les étudiants, mais aussi les préparer activement à leur future carrière en développant leurs soft skills.
Cette approche nécessite une réévaluation du rôle de la formation initiale, en mettant l’accent sur le renforcement de la confiance en soi, l’épanouissement individuel et le développement des compétences transversales à travers des stages et des immersions en entreprise.

En investissant dans le développement des soft skills, en adaptant les programmes éducatifs aux besoins du marché du travail et en favorisant la collaboration entre ces différents acteurs, le Sénégal peut créer un environnement propice à l’épanouissement professionnel de sa jeunesse et à une croissance économique durable.

 


[1] *Les Marmitons est un institut de formation aux métiers de la gastronomie, de l’hôtellerie et du tourisme au Sénégal. En savoir plus

[2] ISM Ziguinchor est un établissement d’enseignement privé installé à Ziguinchor depuis 2005. En savoir plus 

[3] CRS est une organisation humanitaire internationale, dont les objectifs comprennent la fourniture d’aide d’urgence, la promotion du développement économique et social, ainsi que le plaidoyer pour la justice sociale En savoir plus.

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Digitalisation et intégration professionnelle : réussir l’intégration numérique en Côte d’Ivoire

L’avènement du numérique a révolutionné notre manière de vivre, de communiquer, d’apprendre et, bien sûr, de travailler. Cette transformation est d’autant plus significative en Afrique, où les jeunes font face…

L’avènement du numérique a révolutionné notre manière de vivre, de communiquer, d’apprendre et, bien sûr, de travailler. Cette transformation est d’autant plus significative en Afrique, où les jeunes font face à des défis uniques mais aussi à d’innombrables opportunités dans leur quête d’intégration au marché du travail.  
 
Pour explorer ces dynamiques et les implications du numérique, nous avons rencontré des acteurs de l’écosystème éducatif africain en Côte d’Ivoire. Une série de témoignages qui attestent de l’importance grandissante que prend le numérique dans l’éducation, et de la nécessité d’accompagner ce mouvement. 

 

” D’utile à nécessaire, de nécessaire à indispensable “

En seulement quelques années, et encore plus depuis l’avènement du Covid, le digital est passé d’utile à nécessaire, et de nécessaire à indispensable. L’intégration professionnelle, l’accès à l’information, les interactions, ou tout simplement l’adaptation aux exigences contemporaines font que l’adoption de la composante numérique dans la quasi-totalité des cursus de formation est devenue absolument essentielle.  Le digital aujourd’hui permet aux jeunes de trouver une place dans ce monde en pleine mutation dans le sens où il facilite l’accès rapide à l’information et facilite l’apprentissage.

Dia Jean-Fabrice – Chargé des études à l’Institut Ivoirien de Technologie[1] 

 

” Former les formateurs ” 

La détermination des jeunes du continent à prendre le virage du numérique est évidente. Encore faut-il trouver un moyen de mieux les équiper. Premièrement, les équipements et matériel numériques restent difficilement accessibles pour le plus grand nombre. Par ailleurs,  il est essentiel d’investir dans la formation des formateurs, pour assurer une transmission adéquate des compétences numériques aux jeunes et favoriser leur intégration réussie dans un monde de plus en plus digitalisé. Enfin, il faut multiplier les opportunités où les jeunes pourraient mettre en application les compétences acquises à travers des stages en entreprises ou des alternances

Jean-Delmas Ehui – CEO chez ICT4Dev [2] 

 

” Une politique publique axée sur le numérique “

Outre les difficultés que représentent l’acquisition des matériels nécessaires et l’accessibilité des programmes de formation, l’une des barrières au développement numérique est le retard de mise en œuvre des politiques publiques en faveur du numérique, le manque de formation des formateurs, ainsi que l’absence de mesures incitatives pour les entreprises afin que ces dernières reçoivent les jeunes pour les stages pratiques.

Des changements sont nécessaires pour fournir un accès équitable aux ressources numériques et former les acteurs de l’éducation et de l’industrie : Financer l’achat de matériel et les infrastructures adéquates pour les établissements  ; encourager des collaborations entre les établissements d’enseignement et les entreprises du secteur numérique pour faciliter les stages et les opportunités d’apprentissage pratique ; élaborer des politiques fiscales avantageuses pour les entreprises investissant dans la formation des jeunes et le développement de compétences numériques ;mettre en place des programmes de formation continue pour les enseignants et les professionnels afin de rester à jour avec les dernières avancées technologiques et pédagogiques.

Jocelyne Mireille Desquith – Assistante du Coordonnateur Général du Programme Social du Gouvernement

 

” Partager ses idées et gagner en visibilité ” 

Le digital révolutionne la gestion de carrière professionnelle en offrant un éventail d’outils et de ressources accessibles à tout moment et depuis n’importe quel lieu… pour peu que votre zone soit couverte par le réseau internet.

Au-delà de cet aspect, le digital offre aux jeunes une plateforme pour faire entendre leur voix et influencer le changement social. À travers les médias sociaux, les jeunes peuvent partager leurs opinions, leurs expériences et leurs revendications avec une audience mondiale, les aidant ainsi à élargir leur impact et à mobiliser un soutien pour leurs causes, ou faire écho aux idées qu’ils partagent.

 – Achille Koukou – Directeur Général de Tg Master University [3]

 

La digitalisation offre un potentiel immense pour l’intégration des jeunes sur le marché du travail en Afrique. Cependant, des efforts concertés sont nécessaires pour surmonter les obstacles et exploiter pleinement ces opportunités, afin de créer un avenir prospère et inclusif pour tous les Africains. En mettant en œuvre ces mesures, l’Afrique peut réaliser son plein potentiel dans l’ère numérique, et offrir à sa jeunesse les outils nécessaires pour réussir dans un monde en constante évolution.

 


[1] L’institut Ivoirien de Technologies est un Institut bilingue français-anglais d’enseignement supérieur dédié aux technologies de l’information et de la communication, aux biotechnologies et à la gestion des affaires. En savoir plus

[2] ICT4Dev est une start-up spécialisée dans le développement et l’intégration de solutions numériques et technologiques au service des acteurs du secteur agricole. En savoir plus

[3] Tg Master est une école préparant à un double diplôme Bachelor (Français et Ivoirien) en Digital Management et en Business Management. En savoir plus

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La FinTech au service des PME africaines – Un entretien avec Omar Cissé d’ InTouch Group

Selon un rapport de la BCEAO (Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest), le taux de bancarisation strict en Afrique subsaharienne est passé de 19% à 21.8% entre 2020…

Selon un rapport de la BCEAO (Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest), le taux de bancarisation strict en Afrique subsaharienne est passé de 19% à 21.8% entre 2020 et 2021. Une évolution régulière et soutenue depuis les dix dernières années mais qui place encore les pays de la zone UEMOA parmi les pays ayant les plus faibles taux de bancarisation dans le monde. 

Ce faible taux prive une importante partie de la population de services financiers de base et limite leur participation à l’économie formelle. Ce retard est aujourd’hui en grande partie compensé par l’adoption massive de nouvelles technologies financières (FinTech) sur le continent, notamment le mobile banking, plus encore depuis la période Covid. 

Sur le même sujet : Les PME africaines ont le potentiel d’être à la pointe du digital de demain

Entreprenante Afrique s’est entretenue avec Omar Cissé, fondateur de InTouch, Fintech panafricaine lancée en 2014 proposant une solution digitale panafricaine et sur mesure, de gestion de paiement sécurisée, permettant à ses utilisateurs d’administrer, depuis une plateforme unique, la quasi-totalité des moyens de paiement présents dans les pays où InTouch est déployé. 

Omar Cissé revient avec nous sur la trajectoire de InTouch depuis sa création, les facteurs de succès, ce qu’apporte la FinTech dans le paysage économique africain et aux entrepreneurs en particulier.

 

Entreprenante Afrique : En un peu moins d’une décennie, InTouch s’est imposé dans le paysage de la FinTech en Afrique. Est-ce que InTouch peut être considéré comme une licorne ?

Omar Cissé Omar Cissé : Nous espérons le devenir d’ici 2027. Nous avons un EBITDA positif depuis 2022, nous devenons une entreprise profitable et nous redoublons d’efforts pour assurer la croissance de l’entreprise. 

189 millions de transactions pour un volume de transactions total de 2 730 millions d’euros. 

Nous avons lancé la version test de InTouch en 2015 et enregistré dès 2017 environ 5 millions de transactions. Mais le point de bascule a été l’avènement de la crise Covid. À l’annonce de l’adoption des mesures sanitaires, petites, moyennes et grandes entreprises ont voulu numériser leurs moyens de paiement. Depuis, la tendance n’a fait que s’accélérer. En 2024, nous avons enregistré 189 millions de transactions pour un volume de transactions total de 2 730 millions d’euros. 

Actuellement, InTouch est présent dans 16 pays et a pour ambition d’en couvrir 25 d’ici 2025. Nous prenons en charge près de 300 moyens de paiements différents et avons 48 000 TouchPoint répartis dans nos pays d’implantation.

 

Entreprenante Afrique : Comment expliquez-vous cette ascension fulgurante ?

Omar Cissé : Au-delà des facteurs externes  comme le Covid et le développement technologique, le facteur humain y est pour beaucoup. Nous misons énormément sur cet aspect de notre entreprise. Nous avons commencé l’aventure avec 4 personnes en 2015. Aujourd’hui nous sommes 400 professionnels : des développeurs, des commerciaux et énormément de profils différents, répartis dans chaque pays d’implantation de InTouch et structurés autours de hubs (la Côte d’Ivoire pour l’Afrique de l’Ouest, le Kenya pour l’Afrique de l’Est, le Cameroun pour l’Afrique Centrale et l’Égypte pour l’Afrique du Nord) pour apporter une expérience sur-mesure et beaucoup plus de proximité avec nos clients. 

Le deuxième facteur, ce sont nos actionnaires et partenaires stratégiques : le groupe TotalEnergies, la CFAO, ou encore Worldline qui a largement contribué à notre succès grâce au transfert de technologie.

Une solution de gestion d’un volume exponentiel de petites transactions faites sur énormément de supports différents

Le troisième, ce sont les moyens financiers. Depuis notre lancement, nous avons réalisé des levées de fonds successives, de 7 à 9 millions d’euros tous les deux ans. La fintech est l’un des segments les plus attractifs en matière d’investissement dans le paysage technologique africain

Et le dernier point qui explique notre essor est la confiance que nous avons su générer tout au long du parcours auprès de nos clients et de nos financeurs depuis le lancement de InTouch. 

La particularité de InTouch se retrouve dans le fait que nous offrons à nos clients, quel que soit leurs stades de développement (Start-Up, PME et grandes entreprises), une solution de gestion d’un volume exponentiel de petites transactions faites sur énormément de supports différents, le tout sur une seule et même plateforme, ce qui facilite le suivi et le reporting des opérations financières.

 

Entreprenante Afrique : Dans quel mesure la FinTech, et en particulier InTouch, modifie le paysage économique africain ? Êtes-vous en concurrence avec le secteur financier traditionnel ?

Omar Cissé : Nous ne sommes absolument pas en concurrence avec les banques ni les institutions de microfinance. Nous nous positionnons en tant que partenaire technique en digitalisant les relations financières. Sur d’autres aspects, InTouch vient combler le vide laissé par le retard de déploiement du secteur bancaire en proposant par exemple l’opportunité aux petits commerçants d’accéder à des nano-crédits sur une plateforme dédiée à des taux très accessibles. Il s’agit encore d’un projet pilote mais là encore, ce sont nos partenariats avec les IMF qui rendent ces opérations possibles, InTouch n’étant pas une institution financière à proprement parler. 

L’essor de la FinTech porte dans son sillage une promesse d’inclusion financière au plus grand nombre

Les petits commerçants et petites entreprises sont notre première cible depuis le début. Nous comptons parmi nos clients 16 000 petits commerçants au Sénégal et 34 000 sur le reste du portefeuille. 

Avant InTouch, j’ai accompagné beaucoup d’entreprises, que cela soit à travers CTIC Dakar ou Teranga Capital. Et par expérience, je peux dire que la gestion des paiements constitue un maillon faible pour l’entrepreneuriat, encore plus en Afrique. Que ces entreprises puissent collecter tous les moyens de paiement, change vraiment la donne pour elles. Nous parlons de gestions de paiements sécurisées, une facturation précise, un système de suivi et d’enregistrement offrant un gain de productivité important, et par conséquent une lecture et une analyse financière beaucoup plus évidentes pour les entrepreneurs. 

Plus largement, l’essor de la FinTech porte dans son sillage une promesse d’inclusion financière au plus grand nombre, la démocratisation des services financiers de base : services bancaires, systèmes de paiement, crédits, épargnes, assurances etc…

 


 

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Digitalisation au service de la filière anacarde : le défi de Wi Agri

Leader mondial de la production brute de noix de cajou avec la barre symbolique du million de tonnes d’anacardes récoltés en 2020, la Côte d’Ivoire n’est pourtant que troisième sur…

Leader mondial de la production brute de noix de cajou avec la barre symbolique du million de tonnes d’anacardes récoltés en 2020, la Côte d’Ivoire n’est pourtant que troisième sur le marché mondial de transformation de l’anacarde avec seulement 2,3%, bien loin derrière les deux mastodontes asiatiques que sont le Vietnam et l’Inde qui, ensemble, cumulent plus de 80% des parts du marché mondial.

Actuellement, 1,5 millions de personnes sont directement engagées dans la chaîne de valeur anacarde ivoirienne : 500.000 producteurs (dont 20% de femmes) et 1 millions de travailleur(r/se)s agricoles, essentiellement des ramasseuses. Le pays est le premier producteur mondial de noix de cajou avec une production se stabilisant autour du million de tonnes par an depuis 2020 grâce notamment à une réforme engagée et mise en œuvre dans le secteur agricole depuis 2013. Cette réforme ayant permis à la Côte d’Ivoire de passer d’une production de 400.000 tonnes en 2011 à 970.000 tonnes en 2021.

Là où ces efforts de production sont à saluer, seuls 10 à 20% des anacardes produits sont transformés localement. La Côte d’Ivoire en exporte en effet plus de 800.000 tonnes  par an sous forme de noix brutes, soit plus de 40% de l’offre mondiale, faisant de l’anacarde le deuxième produit agricole d’exportation ivoirienne tant en volume qu’en valeur. L’anacarde brute est exporté vers l’Asie, au Vietnam et en Inde, où il est transformé et ré-exporté vers des pays à forts pouvoirs d’achat : aux USA, en Europe et au Moyen Orient, où la demande n’a pas connu de ralentissement malgré la période Covid, contrairement à d’autres produits agricoles.

La politique nationale ivoirienne et sa stratégie économique pour 2025 vise à faire passer la part de la production transformée localement de 10 à 50%, avec un impact considérable en matière de création de valeur et de création d’emplois, particulièrement féminines et en milieu rural. Objectif ambitieux mais non moins réaliste si le pays relève les nombreux défis que cela implique.

 

Une passerelle numérique entre l’offre et la demande

Chaque année, ce sont près de 20% de la production totale de noix de cajou brutes qui sont exportées de manière illicite vers les pays limitrophes de la Côte d’Ivoire, notamment vers le Ghana. Depuis l’instauration d’une taxe sur l’exportation des noix brutes pour encourager la transformation locale il y a une dizaine d’années, la contrebande d’anacardes a explosé justement parce que cette nouvelle politique de taxation n’a pas été suivie par les pays voisins de la Côte d’Ivoire. Les noix brutes sont collectées et acheminées illégalement vers le port de Tema au Ghana où les dépenses portuaires sont inférieures à celles appliquées à Abidjan.

Si une taxation homogène de la filière anacarde au niveau de la CEDEAO permettrait à terme d’endiguer ce phénomène d’exportation illicite, en parallèle, il y a une véritable nécessité à mettre en place des mesures concrètes d’accompagnement pour que l’offre de noix brutes rencontre les demandes des unités de transformation locales. 

Alternative intéressante et qui commence à faire ses preuves dans d’autres filières agricoles, les technologies digitales au service de l’agriculture (D4ag) permettent aux producteurs et aux entrepreneurs du secteur agroalimentaire d’accroître leur productivité, leur efficacité et leur compétitivité, de faciliter l’accès aux marchés, d’améliorer les résultats nutritionnels et de renforcer la résilience au changement climatique.

La Plateforme digitale Wi-Agri s’est fixée pour challenge de contribuer à la réussite de la stratégie nationale ivoirienne en modernisant l’accès au marché et aux services financiers et non financiers pour les petits producteurs d’anacarde et en permettant aux PME ivoiriennes de s’appuyer sur la digitalisation pour apporter à l’échelle, des relations commerciales rapides, sécurisées et transparentes aux petits producteurs et aux coopératives qui les encadrent. 

D’ici 2025, la plateforme Wi-Agri projette d’atteindre 500 000 utilisateurs dont 100 000 femmes, et de créés 20 000 emplois.

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Les PME africaines ont le potentiel d’être à la pointe du digital de demain

  Cela fait plus de 15 ans que j’accompagne des entreprises sur le continent dans leurs stratégies digitales et je crois fondamentalement au potentiel des PME africaines d’être à la…

 

Cela fait plus de 15 ans que j’accompagne des entreprises sur le continent dans leurs stratégies digitales et je crois fondamentalement au potentiel des PME africaines d’être à la pointe du digital de demain.
Pourquoi ?

Tout d’abord parce qu’il y a un retard technologique.

Quand on parle de digital en Afrique, le constat aujourd’hui reste que les usages sont encore limités. Seuls 36% de la population africaine étaient connectée en Janvier 2023. Les progrès technologiques sont freinés par des questions structurelles (manque d’infrastructures, faible connectivité internet, faiblesses des réseaux électriques), mais aussi des questions d’ordre sociétales (pouvoir d’achat limité, populations éloignées de l’écrit, etc.)
Mais ce retard technologique est, par bien des égards, une chance.

En effet, ce que l’on voit c’est que les derniers arrivés ont tendances à adopter directement les usages les plus avancés. Les nouveaux arrivant sur Internet vont par exemple immédiatement utiliser l’intelligence artificielle – déjà via la reconnaissance vocale sur leur smartphone – et cela leur semblera normal.

C’est ce qu’on appelle le Frogleap : Un saut de grenouille qui permet aux entreprises africaines de passer directement de l’artisanat à l’industrie Web 4.0 !

Deuxièmement parce que ces entreprises évoluent dans des contextes difficiles.

Enjeux politiques, économiques, sociaux, réglementaires, environnementaux : le contexte est souvent difficile pour les entreprises africaines – plus difficiles qu’ailleurs.
Ici encore c’est une chance ! Parce que l’innovation nait de la contrainte.

En effet, pourquoi changer quelque chose qui fonctionne ? Oui, on pourrait faire mieux, mais par essence personne n’aime le changement…
C’est le principal frein auquel se se heurtent les projets de transformation dans les entreprises françaises par exemple.

On connait tous la difficulté à faire changer des habitudes établies. Alors que face à un problème ou un blocage, on est prêt à tout pour trouver une solution.

L’exemple le plus flagrant est le cas du mobile money qui représente plus de 36 milliards de transactions en Afrique subsaharienne – contre seulement 300 millions en Europe et Asie Centrale (source : GSMA 2021).
Pourquoi est ce que ces usages peinent à décoller en Europe et en Asie Centrale ? Parce que le marché est déjà équipé de cartes bancaires et que de fait, si le paiement mobile apporte un plus, il ne vient pas répondre à une vraie tension.

Intéressant de voir ici d’ailleurs comment ces innovations impactent la manière de mesurer le niveau de développement d’un pays – Avec le mobile money par exemple, le taux de bancarisation n’est plus forcément aussi représentatif …

Enfin parce que les PME Africaines sont souvent des structures jeunes aux moyens limités

Aussi surprenant que cela puisse paraître, cela peut aussi être une chance pour le digital.
En effet, la digitalisation n’est plus aujourd’hui tellement une question de budget, mais plus une question de culture.

L’essor du no-code a démocratisé l’accès à la digitalisation pour les entreprises.

Des applications telles que Notion ont permis à des entreprises comme Sayna, à Madagascar, de digitaliser l’ensemble de leur process sans nécessiter d’expertises techniques particulières ou de budgets importants.
Les médias sociaux permettent eux de toucher facilement une audience locale et internationale.
De plus, il est plus facile pour des structures jeunes et plus petites de tirer partie du digital.
Plus agiles que les grands groupes aux pratiques établies, elles peuvent faire évoluer leurs outils et pratiques pour mettre en place de nouvelles méthodes de travail plus adaptées.

Une capacité d’adaptation qui est une réelle force dans un contexte de fortes incertitudes, notamment sur les sujets énergétiques et climatiques.

Autant de raisons pour les PME Africaine d’embrasser avec confiance une transformation digitale qui peut être un vrai levier de développement.

ll est important cependant de garder à l’esprit :

L’humain : Le digital ne doit pas venir remplacer, mais bien “augmenter” l’humain. Il s’agit de ne pas penser le digital pour le digital, mais pour apporter une valeur ajoutée. Et ainsi améliorer, simplifier, fluidifier des relations avant tout humaines, que ce soit à l’intérieur des entreprises ou avec leurs clients et partenaires. Il est intéressant à ce titre de voir dans les interfaces numériques l’importance croissantes des usages conversationnels qui sont celles qui sont les plus proches des interactions humaines (ex. WhatsApp ou ChatGPT)

Les spécificités africaines : Il s’agit d’une part d’assurer une meilleure représentation des réalités du continent dans les différents outils digitaux. En effet la réalité proposée en ligne dans les résultats de Google, sur les médias sociaux, ou encore dans les productions images ou textes générées par les Intelligences Artificielles sont le miroir des contenus disponibles en ligne – contenus qui sont avant tout américains, asiatiques, européens ..- Il s’agit pour cela d’encourager la production de contenus Africains afin que les spécificités du continent soient elles aussi prises en compte dans le futur.

Et d’autre part, alors que les principaux acteurs du digital aujourd’hui sont américains ou chinois, il faut éviter que la digitalisation ne crée des relations de dépendances trop fortes pour les pays. Une question que l’Afrique partage avec bien d’autres géographies !

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Résilience et adaptation en période d’insécurité : le combat des entrepreneures nigériennes (1/2)

La femme nigérienne a de tous temps brillé par sa résilience, par instinct de survie dans un environnement aride et hostile.  Si les écrits, dans une histoire africaine traditionnellement orale,…

La femme nigérienne a de tous temps brillé par sa résilience, par instinct de survie dans un environnement aride et hostile. 

Si les écrits, dans une histoire africaine traditionnellement orale, sont relativement récents, ils commencent dès la fin du 19e siècle à nous vanter le courage d’une reine guerrière, figure de la résistance face aux colons – Sarraounia Mangou. De 1960 à 1974, le Niger refait parler de lui à travers sa première « Première Dame », Mme Aïssa DIORI, qui charme, certes, par sa grande beauté, mais surtout par son charisme inégalé et son intelligence rare. Ainsi, « son prestige rayonne à travers le monde. Côtoyant les grands de ce monde (Elisabeth II, Haïlé Sélassié, Nasser, De Gaulle, Johnson…), Madame Diori impose respect et admiration. Aux côtés de son époux, elle entamera, sans bousculer, l’émancipation féminine par le travail et la rigueur, dans cette région afro-musulmane. » Elle a tant et si bien incarné la résilience. Tant dérangée, qu’elle a été personnellement visée et mortellement touchée lors du coup d’Etat de 1974.

En 1992, le Niger instaure, en plus du 8 mars qui est mondialement célébré, une journée de la femme nigérienne, afin d’honorer cette résilience. En effet, suite à la marche historique de 1991 des femmes pour réclamer une plus grande représentativité au sein de la commission préparatoire de la Conférence Nationale Souveraine, le 13 Mai symbolise désormais la journée de la femme nigérienne instituée par décret présidentiel.

 

Ceci étant dit, rappelons quelques aspects de cet environnement hostile. Bien que représentant 50,60% de la population, les femmes affichent le taux d’analphabétisme le plus élevé, atteignant 78%  (contre 60% pour les hommes) et sont également les plus pauvres. En effet, quatre pauvres sur cinq sont des femmes, coulant sous le poids des barrières socioculturelles et économiques telles que la dépendance matérielle, caractérisée par un faible pouvoir de décision, une pénibilité des travaux et un difficile accès aux services de base. Une dépendance financière se traduisant par une monétisation faible, un accès  laborieux aux connaissances, aux emplois et aux ressources productrices.

Le Niger détient deux tristes records, impactant tous les deux les femmes : le plus fort taux de fécondité au monde (6,2 enfants par femme en 2021 vs 7,6 en 2012) et le plus fort taux de mariages précoces : 77% de nos filles sont mariées avant 18 ans et 28% avant 15 ans. Et il ne s’agit là que des chiffres officiels… beaucoup pensent que la réalité est encore plus alarmante.

Dans ce contexte, les femmes ont très vite compris que la solidarité – qui rejoint le concept en vogue de sororité – était leur seule option et les entrepreneures ne font pas exception à cette tendance.

 

Culturellement, elles sont cantonnées à un type de métiers “acceptables” pour des femmes : la couture, l’esthétique, la transformation agro-alimentaire ou la commercialisation de fruits et légumes et la cuisine qui sont également des secteurs à faible marge, à faible revenu. Et avec de faibles barrières à l’entrée, la concurrence y est donc importante, et les activités y sont souvent informelles.

Dans les villes, elles dirigent ou s’investissent dans des TPE et des PME. Elles cumulent les initiatives et les emplois. Lorsqu’elles ont eu accès à une formation, elles conservent leur emploi salarié et développent leur TPE en parallèle. L’insécurité ne les affecte pas beaucoup, elles aménagent simplement leurs horaires et prennent des précautions pour éviter les zones dangereuses à la périphérie. 

Dans les zones rurales, elles exercent des activités génératrices de revenus. Dans les villages, les femmes s’occupent traditionnellement des cultures maraîchères, de l’élevage de volaille et de petits ruminants. Ces revenus leur permettent de contribuer à prendre en charge la famille. Avec l’insécurité, les pillages et les agressions ont privé nombre d’entre elles de revenus, entraînant une hausse des prix sur les marchés et une paupérisation de communes entières. La migration forcée, l’exode rural et les pertes des pères de famille et des fils au front, ont augmenté la vulnérabilité des femmes rurales et les violences basées sur le genre. 

Toutefois, depuis 1992, elles s’organisent en Union. Il s’agit d’une association ou structure de femmes qui ont décidé volontairement de se regrouper pour défendre des intérêts communs, mais surtout construire leur autonomisation financière à travers des tontines – le plus souvent 100% féminines. L’insécurité a renforcé davantage cette solidarité. 

Le système financier s’est également adapté et propose de plus en plus des produits à ces groupements, qui accèdent ainsi à l’épargne puis au crédit, et peuvent s’affranchir de la garantie ou de la caution qui leur était donnée par un homme. La dématérialisation des tontines traditionnelles permet également de lutter contre les pillages et de sécuriser les avoirs de ces unions de femmes. 

Rurales ou urbaines, les entrepreneures nigériennes s’organisent, construisent et poursuivent leur résilience. Des groupes dédiés aux entrepreneures se créent sur les réseaux sociaux, des associations professionnelles également, ainsi que des incubateurs exclusivement dédiés aux femmes. Une institution de microfinance, la MECREF, a fait le pari depuis plus de 20 ans de s’adresser à une clientèle constituée à 100% de femmes. En effet, au Niger comme dans le reste du monde, les études montrent que les entrepreneures sont de meilleures payeuses que les hommes. 

“Rurales ou urbaines, les entrepreneures nigériennes s’organisent, construisent et poursuivent leur résilience.”

 

Il n’en demeure pas moins que la situation reste critique dans de nombreuses régions. Depuis le début de l’année 2023, selon les chiffres officiels, environ 670.000 déplacés forcés ont été recensés au Niger, dont 52% sont des femmes.

Les femmes nigériennes auront un rôle de plus en plus important à jouer dans la reconstruction de la paix au Niger. Souvent, les familles de militaires se retrouvent seules avec des femmes à leurs têtes. Et comme ce que l’on a pu observer lors des grandes guerres mondiales en Europe, les femmes sont tout à fait capables de maintenant prendre la tête de ces familles là et de pouvoir avoir une activité économique génératrice de revenus qui va prendre en charge la famille. 

Leur résilience est encore mise à l’épreuve suite au Coup d’État du 26 juillet 2023. Les sanctions pèsent sur les ménages et sur les femmes en particulier, notamment la hausse des prix des denrées alimentaires. Les Nigériennes appellent davantage à la paix et au recours à une sortie de crise diplomatique mais se passionnent également pour cette page historique que le pays tout entier écrit désormais.

“Leur résilience est encore mise à l’épreuve suite au Coup d’État du 26 juillet 2023”

 

Ainsi, plus que jamais, l’autonomisation des femmes participe au développement économique et doit être une priorité. Cela a un impact plus important au niveau de la santé, au niveau de l’éducation et au niveau du développement économique en général. Et le fait qu’elles s’impliquent davantage et que nous puissions les accompagner davantage aura un impact sur la sécurité de manière transversale et de manière localisée.

Aller plus loin : dans la série “Résilience et Adaptation”, découvrez l’article de Mohamed Keita,”Le renouveau du Mali passera par le secteur privé“.

 

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3 pistes essentielles pour l’agenda du développement des 30 prochaines années

Le 22 Mai 2023, une journée passionnante de débat a été organisée par la Chaire architecture du financement international du développement et la chaire impact de la FERDI. Elle a…

Le 22 Mai 2023, une journée passionnante de débat a été organisée par la Chaire architecture du financement international du développement et la chaire impact de la FERDI. Elle a rassemblé une vingtaine de chercheurs, d’investisseurs, d’entrepreneurs et de dirigeants d’institutions de développement, africains et internationaux. Que retenir de ces travaux ?

L’actualité du débat sur l’architecture des financements internationaux remet sur le devant de la scène la question de la contribution au développement du secteur privé et des financements privés.

Quelle que soit la manière dont on prend le problème, pour parvenir à répondre aux défis des décennies à venir, il faut que le taux d’investissement augmente. C’est tout particulièrement le cas dans les pays pauvres et fragiles, qui sont l’attention prioritaire de tous. La raison en est double : leur croissance démographique d’une part, avec ses implications liées à l’éducation, la santé, l’équipement des territoires, la mobilité, la réponse aux défis sociaux ; le changement climatique d’autre part, avec notamment le défi de l’adaptation. Evidemment, les investissements publics seront indispensables. L’aide publique au développement aussi. Mais il faut aussi que les investissements privés croissent, et que les financements privés en fassent autant.

Il y a en pratique au moins trois séries de sujets différents.

Premièrement, il est souhaitable que les États des pays pauvres et fragiles se financent davantage auprès des banques et sur les marchés, le tout de manière saine et responsable. La période actuelle voit les risques de surendettement croître, notamment en Afrique. Revenir sur cette question est indispensable. La mise en place d’un mécanisme commun et global de coordination en matière de dette est le sujet central, comme le renforcement de la capacité de surveillance du FMI. Le « cadre commun » du G20 amorce ce processus politiquement complexe.

Pour parvenir à répondre aux défis des décennies à venir, il faut que le taux d’investissement augmente

Deuxièmement, il est également souhaitable que plus d’investissements directs étrangers s’orientent vers ces mêmes pays. Le besoin est prioritaire en matière d’infrastructures : le secteur privé productif comme financier national est rarement à l’échelle de la complexité et de la taille des opérations, même s’il peut progresser. L’essentiel se joue à l’échelle des pays mêmes : nous avons besoin de meilleures politiques nationales et de plus de projets. C’est pourquoi les préconisations les plus adaptées concernent la manière d’améliorer les premières, en leur permettant d’accueillir davantage les investisseurs privés, et de renforcer les capacités des administrations, s’agissant des seconds. Les Institutions de Développement peuvent aussi devenir plus proactives pour aider à la fabrication des projets. Il faut également rassurer les investisseurs internationaux face aux risques souverains : améliorer l’accès aux instruments de garantie (comme MIGA, L’Agence multilatérale de garantie des investissements) et permettre aux institutions publiques de financement du secteur privé (DFIs) d’être des partenaires plus rapides et performants. 

Troisièmement, renforcer l’émergence entrepreneuriale et la croissance des PME de ces pays pauvres et fragiles est une priorité de tout premier ordre. Quelles que soient les aides et les garanties dont on pourrait faire bénéficier les grandes entreprises internationales ou les grands investisseurs institutionnels, ces pays sont en effet trop petits et trop complexes pour pouvoir les intéresser autrement qu’à la marge. C’est donc, contrairement à ce qui se passe pour les infrastructures, il faut se situer au niveau du secteur privé local. Celui-ci est en effet lacunaire, fragile, et de très petite taille.

Renforcer la dynamique entrepreneuriale des pays pauvres est possible. Une vingtaine d’années d’expériences et de pilotes ont dégagé des expériences convaincantes, dans un contexte où la volonté d’entreprendre est très grande. Ici, les projets ne manquent pas !  

L’agenda d’aujourd’hui est donc celui du passage à l’échelle.

L’agenda d’aujourd’hui est donc celui du passage à l’échelle. Il faut, en premier lieu, appuyer les entreprises naissantes en renforçant les dispositifs d’accélération, d’incubation et de pré investissement. En second lieu, il faut créer, dans autant de pays que possible, des fonds privés ou des sociétés privées d’investissement apportant des capitaux longs, et du renforcement de capacité, aux petites entreprises en structuration. En troisième lieu, des fonds régionaux sont nécessaires pour financer l’expansion et le renforcement de capitaux des sociétés qui deviennent trop importantes pour être financées au niveau national mais ne peuvent encore accéder, par exemple, aux fonds d’investissement commerciaux. À tous les étages, le renforcement des capacités technologiques et managériales est primordial.

Il y a cependant deux points importants, s’agissant de ce dernier agenda, qui sont trop souvent sous-estimés. 

D’abord, l’épargne nationale est encore trop faible pour pouvoir financer cet effort d’investissement en capital. Par ailleurs, comme nous l’avons dit, l’épargne internationale ne peut vraiment se mobiliser aisément en leur direction. Nous avons donc besoin des financeurs publics, nationaux et internationaux, pour ajouter à l’investissement privé national. C’est pourquoi la mobilisation des fameuses DFIs, comme des agences d’aide publique, est indispensable. 

Ensuite, même si les sociétés privées qui sont financées sont très rentables, et apportent une valeur sociétale considérable, les investisseurs dans ce domaine peuvent rarement atteindre des niveaux de retour correspondant à des attentes de marché. En effet, il est difficile de pouvoir valoriser les petites sociétés africaines, par exemple, à des niveaux équivalents à ceux de leurs sœurs européennes. Les investissements dans ces petites sociétés sont aussi grevés par des frais de gestion élevés, une fiscalité parfois lourde, et des pertes de change, sans parler d’une sinistralité, qui, sans être très élevée, vient quand même s’imputer sur les résultats. Il faut donc que les investisseurs publics acceptent des retours financiers bas, qui se justifient par les retours fiscaux et sociétaux très élevés. Ils doivent aussi accepter, s’ils veulent attirer des investisseurs privés, de leur apporter des garanties ou autres éléments de rehaussement de rendement.

Il s’agit donc d’un agenda qui a un coût budgétaire.

Il s’agit donc d’un agenda qui a un coût budgétaire. Mais ce coût, comme différents travaux le montrent, est modeste au regard du PIB et des gains sociétaux générés. Encore faut-il que les DFIs, par exemple, aient la capacité de soutenir cet effort. Jusqu’à présent, ceci n’a pas été leur mandat. Il faut qu’il le devienne, et que leur modèle économique leur permette de le soutenir. Il revient à leurs actionnaires publics, c’est-à-dire les gouvernements de l’OCDE et de la Chine, d’agir en ce sens. Il faut aussi que les agences d’aide acceptent l’idée que d’engager des fonds publics dans le secteur productif. C’est une barrière idéologique, et parfois de savoir-faire, importante à franchir pour certaines d’entre elles. Il est nécessaire d’investir dans le cadre conceptuel et la justification économique et d’impact pour les rassurer et les convaincre.

Il y a très peu de grandes, et de moyennes entreprises en Afrique. La plupart des grandes entreprises africaines de 2050 ne sont pas encore nées. Accélérer leur naissance, diminuer leur sinistralité pendant la période de leur croissance, rendre leur expansion plus rapide, plus sûre et plus soutenable environnementalement et socialement, voila le grand agenda du développement des trente prochaines années pour les pays pauvres et vulnérables. Il permettra de créer la masse d’emplois absorbant l’immense vague démographique devant nous, qui est tout à la fois un défi et une chance. C’est ainsi que l’on créera les marchés financiers de demain et que les grands investisseurs internationaux se tourneront vers ces pays, encore pauvres, et demain, toujours moins fragiles, si cet agenda réussi.

La société internationale doit gagner en cohérence

Un dernier mot. La société internationale doit gagner en cohérence. Si l’on désire que se connectent les grandes entreprises et les marchés financiers mondiaux avec les pays en développement, la main droite des pays de l’OCDE qui désire les aider doit agir dans le même sens que leur main gauche, qui régit les marchés financiers. Or, nous connaissons une accumulation de règles relatives à lutte anti-blanchiment et antiterroriste, à la gestion des risques bancaires et à l’éthique et l’environnement qui commencent à poser question. Aussi positives et incontestables soient elles dans leur inspiration, elles conduisent en effet à un niveau de risque de conformité qui détourne aujourd’hui trop d’entreprises internationales de premier plan des pays en développement et tout particulièrement des plus pauvres. Il est indispensable de revenir à plus de cohérence et trouver les bonnes modalités et les justes compromis entre le désir d’une part d’assainir et de rendre plus stables les marchés financiers et d’autre part de promouvoir l’investissement dans les zones du monde les plus fragiles.


Cet article est inspiré du document de travail : → Des millions pour des milliards : accélérer l’émergence entrepreneuriale africaine pour une croissance accélérée, durable et riche en emplois. Une publication de Jean-Michel Severino, faisant partie des travaux de la Chaire Architecture Internationale du Financement du développement de la FERDI, et qui plaide pour la nécessité d’accélérer fortement l’implication publique en faveur de l’émergence entrepreneuriale dans les pays pauvres et fragiles.

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