Jusque dans les années 90, le continent africain pourtant riche en ressources minérales, attirait peu les investissements miniers.
Depuis, les États africains encouragés par la Banque mondiale et d’autres partenaires au développement, ont procédé à des réformes politiques, normatives et institutionnelles importantes ouvrant le secteur extractif, à l’instar des autres domaines de la vie économique, aux investisseurs étrangers. Aujourd’hui, les entreprises multinationales sont les principaux opérateurs de l’extraction des ressources minérales. Mais ces investissements miniers répondent-ils aux besoins de financement du développement des États ?
Le gap entre législation et conventions
La lecture d’une trentaine de conventions d’établissement du Burkina Faso, du Ghana, de la Guinée, du Mali, et de la Sierra Leone, laisse apparaitre une toute puissance, voire, une omnipotence de certaines conventions, et un régime fiscal et douanier fortement généreux jusque dans les années 2010.
Les conventions d’établissement définissent les accords conclus entre les entreprises d’extraction minières et les États. Nonobstant l’existence d’un cadre législatif encadrant l’exploitation des ressources minières, les parties (États et sociétés privés) ont ainsi accordé à ces instruments contractuels des facultés extrêmement importantes. Outre les classiques clauses de stabilisation, garantissant la stabilité du système fiscal, les conventions d’établissement bénéficient de la préséance par rapport à tout autre instrument juridique, d’autonomie et d’exclusivité vis-à-vis des règles de droit commun. Ces trois facultés reconnues à certaines conventions minières en Guinée et au Mali s’inscrivent sans doute dans le double objectif d’attractivité et de sécurisation des législations minières des années 70. Les conventions minières sont alors assimilées à des enclos juridiques aux compétences étendues.
En exemple, l’article 2.3 de la convention minière type guinéenne de 2007 complète et stipule la préséance de la convention sur le code minier de 2005. Cette clause dont on peut trouver l’équivalent dans d’autres pays illustre la toute-puissance des conventions minières sur les règles de droit commun.
Tous ces mécanismes ont pour conséquence la diminution de la charge fiscale effectivement supportée par les sociétés minières. Par exemple, au Mali, la Convention SOMILO ne reprend pas les droits fixes pourtant prévus par le code minier de 1991. Au Burkina Faso, la convention de la Société des Mines de Belahouro S.A ne reprend pas l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers et la retenue à la source sur les prestations de services. En Guinée, La convention de la Société Minière de Mandiana (SMM) prévoit « une exonération fiscale totale de l’IS d’une durée de six ans à compter de la Date de la Première Production Commerciale », en contradiction avec le code minier qui n’accorde pas d’exonération d’IS.
Les réformes engagées pour un rééquilibrage des intérêts
La dernière révision quasi généralisée de la législation minière, constitutive d’une quatrième génération de codes miniers africains, résulte de la prise de conscience que les précédentes réformes n’ont pas été en mesure de répondre aux défis de développement auxquels sont confrontés les pays africains.
Ces dernières réformes minières tendent vers un rapprochement des cadres législatifs et conventionnels miniers et sont effectuées dans un contexte de mobilisation de recettes intérieures et de rééquilibrage des intérêts des parties.
Le Libéria fut ainsi le premier pays à renégocier des contrats en 2005, suivi par de nombreux pays, notamment, la Guinée, la Tanzanie et le Mozambique. Ainsi, onze pays ont adopté de nouvelles lois minières favorisant l’augmentation des revenus de l’État.
Cette volonté politique d’harmonisation des instruments législatifs et contractuels de la fiscalité apparait à tous les niveaux de la règlementation minière et notamment sur la fiscalité aurifère.
Au Ghana, des conventions minières portant sur l’exploitation industrielle de l’or prévoient une clause d’ouverture vers les législations nationales applicables au secteur concerné. Au Burkina Faso, les dispositions fiscales et douanières sont précisées dans une annexe qui renvoie au code minier en vigueur. Certaines conventions burkinabé stipulent que « le montant des droits fixes, des taxes superficiaires et des redevances proportionnelles dues, les modalités de règlement de ces droits, taxes et redevances sont déterminées par la réglementation minière en la matière ». Les acteurs de la négociation minière peuvent aussi, par une disposition contractuelle, renvoyer les obligations fiscales à la charge des sociétés minières aux dispositions du code minier et du code général des impôts. Ce renvoi est maintenant fréquemment utilisé au Mali. En Sierra Leone, l’adoption en 2018 de l’Extractive Industries Revenue Act participe sans doute de cet effort d’harmonisation de la fiscalité extractive en général et aurifère en particulier. En Guinée, les réformes ont renforcé le pouvoir de l’Assemblée nationale à travers l’obligation de ratification des conventions minières.
A l’instar d’un secteur minier en forte mutation, la fiscalité aurifère a connu de profonds changements, voire des ruptures, au cours du temps. Les dernières réformes minières témoignent de ce changement de paradigmes qui se matérialise par une augmentation de la charge fiscale des sociétés minières, un plus grand encadrement des exonérations fiscales et un suivi politique et citoyen plus poussé des conventions minières. Si des écarts entre les prescriptions législatives et les aménagements conventionnels persistent, notamment en raison de certaines clauses de stabilisation, les nouveaux cadres montrent clairement une tendance forte vers l’harmonisation de ces deux pans des règlementations minières applicables dans les pays miniers.