La question du partage de la rente minière entre les investisseurs et les États est de première importance pour les pays de l’UEMOA en raison de leur besoin en ressources pour leur développement.
Les régimes fiscaux et douaniers miniers, qui visent à capter une part de cette rente au profit des États, se composent, d’une part, d’une fiscalité de droit commun (Impôt sur les Sociétés, Impôt Minimum Forfaitaire, Impôt sur les Revenus des Capitaux Mobiliers, Impôt Foncier, etc.), souvent aménagée par les Codes Miniers et/ou les Codes des Investissements (exonérations, congés fiscaux, réductions de taux, etc.) et, d’autre part, de taxes spécifiques à l’activité minière telles que les redevances minières (qui peuvent être fixes, superficiaires ou ad valorem). De larges incitations fiscales sont en principe accordées durant les deux premières phases du cycle minier (exploitation et construction de la mine) avant de revenir à une fiscalité plus proche du droit commun en phase d’exploitation.
Si l’analyse des textes juridiques répertoriés dans la base https://fiscalite-miniere.ferdi.fr/ montre qu’aujourd’hui l’harmonisation de la fiscalité minière au sein de l’UEMOA est partiellement un échec, l’analyse économique des taux effectif moyen d’imposition (TEMI) des pays de l’UEMOA révèle une certaine convergence à la hausse de la charge fiscale globale.
Toutefois, cette convergence n’est pas le résultat du Règlement de l’UEMOA portant code minier mais des réformes des codes miniers des États membres depuis 2010 qui vont dans le sens d’un accroissement de la charge fiscale des sociétés minières. Néanmoins, la répartition de cette charge par impôts reste hétérogène entre les pays membres de l’UEMOA, ce qui rejoint le constat juridique.
Tableau 1. Statistiques descriptives des TEMI pour la zone UEMOA
Teneur de la mine | Année | Moyenne | Ecart-type | Min | Max |
Basse | 2011 | 0,483 | 0,103 | 0,353 | 0,611 |
Moyenne | 2011 | 0,391 | 0,091 | 0,277 | 0,478 |
Haute | 2011 | 0,357 | 0,090 | 0,246 | 0,473 |
Basse | 2016 | 0,556 | 0,094 | 0,412 | 0,636 |
Moyenne | 2016 | 0,441 | 0,069 | 0,318 | 0,488 |
Haute | 2016 | 0,402 | 0,064 | 0,281 | 0,451 |
Source : Auteurs. Pour un taux d’actualisation de 10% et un cours de l’or de 1300 USD/oz.
A court terme, la non-application du Règlement communautaire portant Code minier expose les États membres de l’UEMOA à un risque juridique. En effet, les entreprises minières seraient en théorie fondées à soulever devant les juridictions nationales une question préjudicielle pour non-conformité du droit national avec le règlement communautaire. Afin de supprimer ce risque, une première suggestion pourrait consister à abroger le règlement existant même si l’effet de la réglementation communautaire est en pratique limitée puisque le véritable régime fiscal et douanier des industries extractives est en réalité défini par les conventions minières qui définissent une fiscalité ad hoc. Ces conventions minières assorties de clauses de stabilité garantissent au titulaire du titre minier que son régime fiscal et douanier restera inchangé pendant une période définie (généralement la durée du permis d’exploitation) et conduisent à créer autant de régimes fiscaux et douaniers que de sociétés sous permis d’exploitation.
A moyen terme, il pourrait être intéressant pour les pays de la sous-région de réfléchir à la mise en place – éventuellement dans le cadre communautaire – d’une fiscalité plus progressive qui pourrait évoluer en fonction des retournements de cycle. Plusieurs pays membres de l’UEMOA ont déjà fait évoluer certains éléments de leur fiscalité douanière en y ajoutant des éléments de progressivité. C’est le cas notamment du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et du Niger qui ont introduit des mécanismes de redevances indexées aux cours mondiaux ou fonction de la profitabilité de la mine. Toutefois, toute réforme de la fiscalité minière devrait se concevoir dans son ensemble. L’introduction de cette fiscalité plus sensible à la hausse mais également à la baisse des cours pourrait contribuer à sécuriser la position fiscale des entreprises et – peut-être – réduire la pratique des conventions minières.
Aujourd’hui, un Règlement communautaire portant code minier aurait du sens s’il allait dans la direction de prévenir la concurrence fiscale dommageable entre États de l’UEMOA en instaurant un régime fiscal et douanier minimum. S’agissant de ressources non renouvelables, tout nouveau règlement communautaire devrait être élaboré avec la plus grande prudence afin de ne pas consentir à une extraction des ressources sans une juste contrepartie. Toute harmonisation par le bas serait donc à proscrire.
Références
base sur la fiscalité minière : https://fiscalite-miniere.ferdi.fr/
Alain Charlet, Bertrand Laporte, Celine De Quatrebarbes, Yannick Bouterige. (2019) La convergence fiscale dans le secteur minier des pays de l’UEMOA : la législation communautaire en question ?, Revue de droit fiscal n°8, LEXISNEXIS SA