Penser et agir pour l’entrepreneuriat en Afrique

Éclairages

Des articles qui permettent de mieux comprendre certains enjeux d’actualité et de fond liés à l’entrepreneuriat africain: le contexte politique, les perspectives économique, des enjeux sociaux-culturels…

Quel financement pour le secteur privé en Afrique ? La place de l’investissement d’impact ?

Le secteur privé est un moteur de la croissance. Pourtant, les entreprises africaines, quelle que soit leur taille, souffrent d’un défaut de financement en particulier dans des zones où les…

Le secteur privé est un moteur de la croissance. Pourtant, les entreprises africaines, quelle que soit leur taille, souffrent d’un défaut de financement en particulier dans des zones où les financements traditionnels sont insuffisants. L’investissement d’impact serait-il une alternative possible ?

Les entreprises – grandes, moyennes ou petites – représentent l’un des principaux moteurs de la croissance économique. Elles participent activement à la création d’emplois, génèrent des revenus et contribuent au bien-être social et environnemental. Cependant, le secteur privé en Afrique fait face à un défaut de financement important, surtout dans les zones où les financements traditionnels sont insuffisants. C’est ici que l’investissement d’impact intervient comme une alternative prometteuse, surtout pour les entreprises ayant des retombées significatives sur leurs communautés.

 

L’investissement d’impact, un secteur mal défini

L’investissement d’impact apparaît comme une alternative récente au financement du secteur privé, notamment pour les entreprises engendrant de fortes retombées extra-financières sur leur communauté. L’investissement d’impact connaît une croissance à deux chiffres (14%) en 5 ans (2017-2022) en Afrique, mais reste un segment peu développé eu égard aux autres formes de financement. Il existe un réel engouement pour cette innovation financière, notamment de la part des bailleurs et des gouvernements. En dépit de cet intérêt, ce secteur reste largement méconnu. Dans une étude récente, la Chaire Investissement d’Impact de la Ferdi cherche à améliorer la connaissance de l’investissement d’impact en Afrique en publiant une cartographie de l’investissement d’impact en Afrique.

 

Spécificités et rôle dans le financement du développement

L’investissement d’impact est une forme d’investissement qui utilise des outils financiers classiques comme le financement par dettes ou par prise de participation par exemple. Sa spécificité réside dans l’orientation de son financement vers des entreprises qui génèrent des impacts extra-financiers élevés, qu’ils soient économiques (par exemple, création d’emplois indirects), sociaux (par exemple, amélioration de l’offre de soins) ou environnementaux (par exemple, solution de production d’énergie renouvelable). De même, il considère les entreprises n’ayant pas accès aux financements classiques tels les crédits bancaires, en raison de leur balance rendement-risque plutôt défavorable.

Les investisseurs d’impact jouent, à cet effet, un rôle crucial pour combler le manque de financement pour de nombreuses entreprises en Afrique.

Ils prennent le risque d’investir dans ces entreprises, à différentes étapes de son développement, en dépit d’un rendement pouvant être inférieur aux taux du marché. La contrepartie de cette rentabilité réduite et de ce risque accru est que les investissements fournis vont générer des impacts élevés pour la communauté. L’investissement d’impact permet à cet effet d’aider des entrepreneurs à lancer leur projet, à développer leurs produits, à renforcer leurs stratégies de marché et à pouvoir s’auto-financer. Un exemple emblématique est celui de la Laiterie du Berger (LDB), une entreprise sénégalaise ayant été financée par l’ investisseur d’impact I&P. Avec plus de 700 000 euros investis sur plusieurs années, I&P a soutenu LDB dès ses débuts, malgré des bénéfices initiaux modestes. D’autres investisseurs d’impacts l’ont, par la suite, accompagnée financièrement dans son développement. Aujourd’hui, LDB emploie plus d’un millier de personnes et participe à l’amélioration de la chaîne de valeur agricole, de la nutrition, des revenus et du PIB du Sénégal – démontrant l’importance de l’investissement d’impact et de ses acteurs dans le financement du développement.

 

Quelques données sur les investisseurs d’impact en Afrique

Sur le continent africain, les objectifs de génération d’impacts sont souvent basés sur la capacité à atteindre les Objectifs du Développement Durable (ODD) et à contribuer au plan de développement national des pays dans lesquels ils investissent, ce qui peut ne pas être le cas dans d’autres pays. Ainsi, les activités économiques des entreprises financées sont souvent liées à l’un ou à la plupart des 17 ODD.

En outre, compte tenu de leur double objectif – impact et rendement – les investisseurs d’impact cherchent à financer des secteurs leur permettant d’avoir un impact à l’échelle et un rendement financier possible et acceptable. C’est pourquoi les secteurs dans lesquels ils investissent en Afrique se concentrent sur l’agriculture, la finance et l’énergie. Ces trois secteurs répondent à cette double contrainte. Ces secteurs sont parmi les secteurs présentant un taux de croissance élevé sur le continent mais également les secteurs employant le plus d’actifs.

Le secteur agricole, par exemple, a une importance cruciale à la fois en termes économiques en employant plus de la moitié de la population active en Afrique (51,71% des emplois sur le continent africain est dans le secteur agricole, World Development Indicator), sociaux en raison de la pauvreté dans les zones rurales et environnementaux sachant que l’agriculture est à la fois le réceptacle et une solution aux défis environnementaux (changement climatique, biodiversité, pollution).

 

Cependant, la cartographie réalisée par la Chaire Investissement d’impact montre qu’une majorité des fonds d’investissement opérant en Afrique ont leur siège social en dehors du continent, principalement en Amérique du Nord et en Europe. Les fonds africains représentent à peine plus de 16 % de l’activité des fonds opérant sur le continent, avec une concentration notable dans quelques pays anglophones comme le Nigeria, le Kenya et l’Afrique du Sud. C’est également dans ces pays que la plupart des entreprises financées sont situées.

Le paysage de l’investissement d’impact en Afrique est par ailleurs dominé par des fonds de taille moyenne (de 1 à 250 millions USD), soit 54,5% des investisseurs d’impact identifiés sur le continent. Cependant, 80% des actifs sous gestion de l’ensemble de l’investissement d’impact en Afrique, de l’ordre de 108 milliards USD, sont gérés par quelques méga-fonds (au-delà de 1 000 millions USD) – représentant 7% des investisseurs dont trois sur dix-huit ont leurs sièges sociaux en Afrique (au Nigéria et à l’île Maurice), les quinze autres étant majoritairement européens.

 

Les défis de l’investissement d’impact en Afrique

L’investissement d’impact en Afrique fait face à plusieurs défis.

Premièrement, la déconnexion entre la nationalité des fonds et celle du pays et de l’entreprise dans lesquels ils investissent est la source d’un des défis des investisseurs sur le continent africain. Investir dans la monnaie locale de l’entreprise financée ou dans la monnaie des investisseurs est un des dilemmes qui se présentent à eux. Ce dilemme conduit souvent à un « désalignement des devises ». Les chocs du marché de la monnaie peuvent être un facteur bloquant pour l’allocation des fonds et peuvent servir d’argument de désistement pour les détenteurs de fonds et les institutions financières locales.

La difficulté à mesurer et démontrer l’impact réel de ces investissements est également un des défis majeurs de ce secteur en Afrique. En effet, ses impacts économiques sont plus élevés que ce que les données peuvent mettre en évidence – comme le cas de la LDB.

Pourtant, il est essentiel pour les investisseurs d’impact d’être en mesure de démontrer leurs impacts sur la communauté et contribuer ainsi à la construction de leur légitimité et crédibilité auprès des allocateurs de capitaux, qui sont majoritairement des fondations et des institutions financières de développement (IDF). Le manque de personnel qualifié et le coût élevé des systèmes d’évaluation expliquent en partie la difficulté des investisseurs d’impact à prouver leur crédibilité auprès de ces derniers afin de les soutenir dans leur levée de fonds. La lourdeur administrative liée à ces levées de fonds est également une des raisons pour lesquels on constate une diminution de la création de nouveaux fonds depuis le début du siècle. Cette problématique de ressources humaines s’explique par le caractère concurrentiel du marché du travail. Devant embaucher du personnel hautement qualifié, ils font face à la concurrence en raison d’une fourchette de salaires plus élevée chez les concurrents comme les IFD elles-mêmes, ou les agences de développement. Il est malheureusement difficile pour eux de s’aligner sur ces mêmes critères.

Un autre défi, concerne la difficulté de sortie due à la taille limitée de l’écosystème de l’investissement d’impact. Peu d’investisseurs qu’ils soient internationaux ou nationaux sont intéressés par le rachat de leurs parts. La vente de ces derniers dans les entreprises financées peut, de cette manière, s’étaler dans le temps, au-delà de la maturité définie au départ, et être un facteur dissuadant les investisseurs d’impact eux-mêmes.

 

En conclusion, pour bénéficier du plein potentiel de l’investissement d’impact, il est indispensable d’accroître le financement des fonds d’investissement d’impact locaux en simplifiant les procédures et en innovant pour attirer les investisseurs institutionnels. Accompagner son développement en mettant en place des mécanismes d’amélioration de la balance rendement-risque, notamment par le développement d’instruments spécifiques et de marchés secondaires, servirait de levier pour soutenir l’émergence de ce secteur. Enfin, il est important d’améliorer la qualité des fonds et leurs méthodologies de mesure de l’impact, en soutenant les équipes, en partageant les meilleures pratiques et mettant en place des incitations dédiées. La Chaire investissement d’Impact de la Ferdi aborde ces enjeux dans son agenda de recherche.

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Mesurer l’Impact des Institutions Éducatives dans l’Enseignement Supérieur en Afrique de l’Ouest : les indicateurs clés

Depuis les années 2000, on observe le développement massif des offres privées d’enseignement supérieur. Cette offre, se caractérise par une diversité, allant des micro-établissements disposant de peu de moyens à…

Depuis les années 2000, on observe le développement massif des offres privées d’enseignement supérieur. Cette offre, se caractérise par une diversité, allant des micro-établissements disposant de peu de moyens à de grands groupes universitaires. Cette croissance rapide renforce la nécessité de mesurer l’impact social de ces institutions, pour garantir et contrôler la qualité de l’offre de formation.

En partenariat avec 60 Décibels (1), société de mesure d’impact,  I&P Education et Emploi (2), programme de financement qui vise à améliorer l’accès à une éducation de qualité, a mis en place des enquêtes « lean data » afin de contrôler et d’améliorer la mesure de l’impact des entreprises financées par le programme.

Entre 2021 et 2023, 60dB a réalisé 23 études avec 18 établissements d’enseignement post-secondaire. Des chercheurs formés par 60dB ont mené 5 448 entretiens téléphoniques avec les anciens étudiants des établissements. Ces anciens élèves ont été sélectionnés au hasard dans des bases de données compilées et partagées par chaque institution, avec des cohortes allant de 5 ans jusqu’à leur entrée dans le programme IP2E. Dans la mesure du possible, 60dB a ciblé un échantillon de 200 à 250 anciens élèves par institution, afin de garantir un niveau de confiance de 90% et une marge d’erreur de 5%. Ces données étaient essentielles pour aider les entreprises à mieux comprendre leur rôle dans les parcours professionnels de leurs anciens étudiants. Ils ont orienté la mise en œuvre de stratégies, soutenues par IP2E, afin d’améliorer leur impact sur leurs étudiants actuels.

Dans un contexte sous-régional de manque de données, cet article revient sur les principaux indicateurs que les entreprises éducatives devraient prendre en compte dans la mesure de leur impact.

Pour accéder au rapport dans son intégralité : cliquer ici 

Rapport : L’impact des entreprises éducatives privées sur l’employabilité des jeunes en Afrique

 

  • Comprendre le profil démographique de ses étudiants

Les établissements doivent comprendre l’origine, non seulement géographique, mais aussi socio-économique de leurs étudiants. Ces segmentations sont essentielles, afin d’évaluer si tous les étudiants, quel que soit leur genre, âge, niveau socio-économique, lieu de vie, possèdent les mêmes chances de trouver un emploi. Ces paramètres peuvent guider les entreprises dans la mise en place de mécanismes spécifiques, tels que des bourses sociales, ou encore la délocalisation dans des zones rurales.

I&P, à travers le programme IP2E, cherche à savoir si les étudiants sont issus de milieux défavorisés, en examinant des variables clés : s’ils vivent dans des zones rurales, s’ils étudient dans des zones où les indicateurs de développement socio-économique sont faibles et s’ils ont besoin de mécanismes d’inclusion sociale (c’est-à-dire de bourses) pour poursuivre leurs études. Dans le cadre de ce rapport, les établissements comptant plus de 80% d’étudiants issus de milieux défavorisés sont classés comme ayant un niveau de désavantage « élevé ».

Démographie

  • Mesurer l’insertion professionnelle

L’insertion professionnelle des diplômés est un indicateur clé de l’efficacité des institutions éducatives, mais sa mesure est complexe.

Dans le cadre de cette étude, le taux d’insertion désigne la proportion d’anciens étudiants qui déclarent être actuellement employés et qui déclarent avoir trouvé un emploi dans les six mois suivant l’obtention de leur diplôme. Les taux d’insertion des diplômés peuvent être influencés par des facteurs externes tels que la conjoncture économique, rendant difficile l’attribution directe de l’emploi à la qualité de l’éducation reçue.

Au moment de l’étude, 61% des anciens étudiants des établissements du portefeuille IP2E avaient un emploi. 39% l’ont trouvé dans les six mois suivant leur formation.

Les établissements doivent également comprendre les raisons de non-emploi de leurs alumni. Les anciens étudiants interrogés évoquent le manque d’opportunités d’emploi dans un environnement concurrentiel, des problèmes administratifs avec leurs institutions et des transitions de carrière pour expliquer cette situation. 10% d’entre eux poursuivaient leurs études au moment de l’étude.

Taux d'insertion

  • Identifier les filières les plus porteuses

L’étude a révélé que les anciens élèves titulaires d’un diplôme de la formation professionnelle sont plus susceptibles d’entrer de manière indépendante sur le marché du travail et ont donc le taux d’insertion moyen le plus élevé, à savoir 46%. Les établissements doivent également déterminer si les compétences transmises sont utilisées par les étudiants dans leur travail.

  • Connaître les canaux d’insertion professionnelle

Les établissements peuvent mesurer leur contribution à la recherche d’emploi des étudiants. Pour cela, elles doivent identifier par quels intermédiaires les étudiants ont trouvé leur emploi. Dans notre étude, près de 3 anciens étudiants sur 10 comptent sur leurs amis ou leur famille pour trouver un emploi. 15% d’entre eux s’appuient également sur des réseaux externes. Seuls 12% trouvent leur emploi grâce aux services d’orientation professionnelle des écoles. Cet élément se révèle être pourtant un des principaux éléments de satisfaction des étudiants pour recommander leur établissement. De ce fait, les entreprises doivent renforcer leurs services carrières.

  • S’informer sur la satisfaction des diplômés

La situation professionnelle des anciens étudiants influence leur niveau de satisfaction à l’égard de l’établissement. Le Net Promoter Score (NPS) est un indicateur courant de la satisfaction et de la fidélité des clients. L’étude révèle qu’il est plus élevé chez les étudiants qui ont un emploi que chez les chômeurs. Les anciens étudiants prennent en compte la qualité des formations, la pertinence des formations, l’environnement d’apprentissage et le soutien apporté aux étudiants dans la recherche d’emploi.

  • Intégrer la multi-dimensionnalité de la mesure d’impact

60 dB a créé un indice d’impact propre à I&P : l’I&P Education Impact, qui inclut les facteurs les plus cités par les alumni dans la définition de leur qualité de vie. Il a été mesuré à travers une question délibérément ouverte, pour connaître la perception des anciens élèves sur leur bien-être. Les paramètres les plus importants qui en sont sortis sont :

      • Les conditions d’emploi : le facteur le plus fondamental est d‘avoir un emploi, que ce soit de manière formelle ou informelle, ou par le biais d’une activité indépendante ou d’un rôle de conseiller.
      • Le premier emploi : l’obtention d’un premier emploi dans les six mois suivant l’obtention du diplôme est également un facteur clé de l’efficacité de l’insertion professionnelle.
      • Les prestations de retraite : la pension de retraite est la première prestation sociale déclarée et sert d’indicateur de l’emploi formel. C’est un signe d’accès à une prestation de base et essentielle.
      • La satisfaction en matière d’emploi : le type d’emploi (formel, informel, stage, auto-emploi) joue également un rôle clé.
      • La satisfaction en matière de salaire : de même, au-delà de la satisfaction à l’égard de l’emploi lui-même, la satisfaction à l’égard du salaire est également importante, car elle couvre les aspects financiers.
      • La qualité de Vie : l’amélioration du bien-être général, telle qu’elle est perçue par les anciens élèves eux-mêmes, est un indicateur d’impact primordial.

Qualité de vie

 

D’ici 2030, 30 millions de jeunes entreront chaque année sur le marché du travail africain. Les universités et les centres de formation professionnelle jouent un rôle primordial pour permettre aux étudiants de développer au maximum leurs acquis et apporter une contribution efficace sur le marché du travail. L’impact des institutions éducatives dans l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest est multidimensionnel, englobant l’insertion professionnelle, l’inclusion sociale et l’amélioration de la qualité de vie des étudiants. Mesurer cet impact présente des défis significatifs mais essentiels pour informer les politiques éducatives et les pratiques institutionnelles.


(1) 60 Decibels est une société de mesure d’impact qui apporte rapidité et évolutivité à la mesure de l’impact social et à la connaissance de ses clients.

(2) L’Initiative I&P Éducation et Emploi (IP2E), programme de financement d’impact lancé en 2021 qui vise à améliorer l’accès à une éducation de qualité et à renforcer l’adéquation formation-emploi en Afrique, afin de garantir de meilleures opportunités d’emploi. IP2E finance et soutient les entreprises privées de l’écosystème de l’éducation post-secondaire.

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Digitalisation au service de la filière anacarde : le défi de Wi Agri

Leader mondial de la production brute de noix de cajou avec la barre symbolique du million de tonnes d’anacardes récoltés en 2020, la Côte d’Ivoire n’est pourtant que troisième sur…

Leader mondial de la production brute de noix de cajou avec la barre symbolique du million de tonnes d’anacardes récoltés en 2020, la Côte d’Ivoire n’est pourtant que troisième sur le marché mondial de transformation de l’anacarde avec seulement 2,3%, bien loin derrière les deux mastodontes asiatiques que sont le Vietnam et l’Inde qui, ensemble, cumulent plus de 80% des parts du marché mondial.

Actuellement, 1,5 millions de personnes sont directement engagées dans la chaîne de valeur anacarde ivoirienne : 500.000 producteurs (dont 20% de femmes) et 1 millions de travailleur(r/se)s agricoles, essentiellement des ramasseuses. Le pays est le premier producteur mondial de noix de cajou avec une production se stabilisant autour du million de tonnes par an depuis 2020 grâce notamment à une réforme engagée et mise en œuvre dans le secteur agricole depuis 2013. Cette réforme ayant permis à la Côte d’Ivoire de passer d’une production de 400.000 tonnes en 2011 à 970.000 tonnes en 2021.

Là où ces efforts de production sont à saluer, seuls 10 à 20% des anacardes produits sont transformés localement. La Côte d’Ivoire en exporte en effet plus de 800.000 tonnes  par an sous forme de noix brutes, soit plus de 40% de l’offre mondiale, faisant de l’anacarde le deuxième produit agricole d’exportation ivoirienne tant en volume qu’en valeur. L’anacarde brute est exporté vers l’Asie, au Vietnam et en Inde, où il est transformé et ré-exporté vers des pays à forts pouvoirs d’achat : aux USA, en Europe et au Moyen Orient, où la demande n’a pas connu de ralentissement malgré la période Covid, contrairement à d’autres produits agricoles.

La politique nationale ivoirienne et sa stratégie économique pour 2025 vise à faire passer la part de la production transformée localement de 10 à 50%, avec un impact considérable en matière de création de valeur et de création d’emplois, particulièrement féminines et en milieu rural. Objectif ambitieux mais non moins réaliste si le pays relève les nombreux défis que cela implique.

 

Une passerelle numérique entre l’offre et la demande

Chaque année, ce sont près de 20% de la production totale de noix de cajou brutes qui sont exportées de manière illicite vers les pays limitrophes de la Côte d’Ivoire, notamment vers le Ghana. Depuis l’instauration d’une taxe sur l’exportation des noix brutes pour encourager la transformation locale il y a une dizaine d’années, la contrebande d’anacardes a explosé justement parce que cette nouvelle politique de taxation n’a pas été suivie par les pays voisins de la Côte d’Ivoire. Les noix brutes sont collectées et acheminées illégalement vers le port de Tema au Ghana où les dépenses portuaires sont inférieures à celles appliquées à Abidjan.

Si une taxation homogène de la filière anacarde au niveau de la CEDEAO permettrait à terme d’endiguer ce phénomène d’exportation illicite, en parallèle, il y a une véritable nécessité à mettre en place des mesures concrètes d’accompagnement pour que l’offre de noix brutes rencontre les demandes des unités de transformation locales. 

Alternative intéressante et qui commence à faire ses preuves dans d’autres filières agricoles, les technologies digitales au service de l’agriculture (D4ag) permettent aux producteurs et aux entrepreneurs du secteur agroalimentaire d’accroître leur productivité, leur efficacité et leur compétitivité, de faciliter l’accès aux marchés, d’améliorer les résultats nutritionnels et de renforcer la résilience au changement climatique.

La Plateforme digitale Wi-Agri s’est fixée pour challenge de contribuer à la réussite de la stratégie nationale ivoirienne en modernisant l’accès au marché et aux services financiers et non financiers pour les petits producteurs d’anacarde et en permettant aux PME ivoiriennes de s’appuyer sur la digitalisation pour apporter à l’échelle, des relations commerciales rapides, sécurisées et transparentes aux petits producteurs et aux coopératives qui les encadrent. 

D’ici 2025, la plateforme Wi-Agri projette d’atteindre 500 000 utilisateurs dont 100 000 femmes, et de créés 20 000 emplois.

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Les PME africaines ont le potentiel d’être à la pointe du digital de demain

  Cela fait plus de 15 ans que j’accompagne des entreprises sur le continent dans leurs stratégies digitales et je crois fondamentalement au potentiel des PME africaines d’être à la…

 

Cela fait plus de 15 ans que j’accompagne des entreprises sur le continent dans leurs stratégies digitales et je crois fondamentalement au potentiel des PME africaines d’être à la pointe du digital de demain.
Pourquoi ?

Tout d’abord parce qu’il y a un retard technologique.

Quand on parle de digital en Afrique, le constat aujourd’hui reste que les usages sont encore limités. Seuls 36% de la population africaine étaient connectée en Janvier 2023. Les progrès technologiques sont freinés par des questions structurelles (manque d’infrastructures, faible connectivité internet, faiblesses des réseaux électriques), mais aussi des questions d’ordre sociétales (pouvoir d’achat limité, populations éloignées de l’écrit, etc.)
Mais ce retard technologique est, par bien des égards, une chance.

En effet, ce que l’on voit c’est que les derniers arrivés ont tendances à adopter directement les usages les plus avancés. Les nouveaux arrivant sur Internet vont par exemple immédiatement utiliser l’intelligence artificielle – déjà via la reconnaissance vocale sur leur smartphone – et cela leur semblera normal.

C’est ce qu’on appelle le Frogleap : Un saut de grenouille qui permet aux entreprises africaines de passer directement de l’artisanat à l’industrie Web 4.0 !

Deuxièmement parce que ces entreprises évoluent dans des contextes difficiles.

Enjeux politiques, économiques, sociaux, réglementaires, environnementaux : le contexte est souvent difficile pour les entreprises africaines – plus difficiles qu’ailleurs.
Ici encore c’est une chance ! Parce que l’innovation nait de la contrainte.

En effet, pourquoi changer quelque chose qui fonctionne ? Oui, on pourrait faire mieux, mais par essence personne n’aime le changement…
C’est le principal frein auquel se se heurtent les projets de transformation dans les entreprises françaises par exemple.

On connait tous la difficulté à faire changer des habitudes établies. Alors que face à un problème ou un blocage, on est prêt à tout pour trouver une solution.

L’exemple le plus flagrant est le cas du mobile money qui représente plus de 36 milliards de transactions en Afrique subsaharienne – contre seulement 300 millions en Europe et Asie Centrale (source : GSMA 2021).
Pourquoi est ce que ces usages peinent à décoller en Europe et en Asie Centrale ? Parce que le marché est déjà équipé de cartes bancaires et que de fait, si le paiement mobile apporte un plus, il ne vient pas répondre à une vraie tension.

Intéressant de voir ici d’ailleurs comment ces innovations impactent la manière de mesurer le niveau de développement d’un pays – Avec le mobile money par exemple, le taux de bancarisation n’est plus forcément aussi représentatif …

Enfin parce que les PME Africaines sont souvent des structures jeunes aux moyens limités

Aussi surprenant que cela puisse paraître, cela peut aussi être une chance pour le digital.
En effet, la digitalisation n’est plus aujourd’hui tellement une question de budget, mais plus une question de culture.

L’essor du no-code a démocratisé l’accès à la digitalisation pour les entreprises.

Des applications telles que Notion ont permis à des entreprises comme Sayna, à Madagascar, de digitaliser l’ensemble de leur process sans nécessiter d’expertises techniques particulières ou de budgets importants.
Les médias sociaux permettent eux de toucher facilement une audience locale et internationale.
De plus, il est plus facile pour des structures jeunes et plus petites de tirer partie du digital.
Plus agiles que les grands groupes aux pratiques établies, elles peuvent faire évoluer leurs outils et pratiques pour mettre en place de nouvelles méthodes de travail plus adaptées.

Une capacité d’adaptation qui est une réelle force dans un contexte de fortes incertitudes, notamment sur les sujets énergétiques et climatiques.

Autant de raisons pour les PME Africaine d’embrasser avec confiance une transformation digitale qui peut être un vrai levier de développement.

ll est important cependant de garder à l’esprit :

L’humain : Le digital ne doit pas venir remplacer, mais bien “augmenter” l’humain. Il s’agit de ne pas penser le digital pour le digital, mais pour apporter une valeur ajoutée. Et ainsi améliorer, simplifier, fluidifier des relations avant tout humaines, que ce soit à l’intérieur des entreprises ou avec leurs clients et partenaires. Il est intéressant à ce titre de voir dans les interfaces numériques l’importance croissantes des usages conversationnels qui sont celles qui sont les plus proches des interactions humaines (ex. WhatsApp ou ChatGPT)

Les spécificités africaines : Il s’agit d’une part d’assurer une meilleure représentation des réalités du continent dans les différents outils digitaux. En effet la réalité proposée en ligne dans les résultats de Google, sur les médias sociaux, ou encore dans les productions images ou textes générées par les Intelligences Artificielles sont le miroir des contenus disponibles en ligne – contenus qui sont avant tout américains, asiatiques, européens ..- Il s’agit pour cela d’encourager la production de contenus Africains afin que les spécificités du continent soient elles aussi prises en compte dans le futur.

Et d’autre part, alors que les principaux acteurs du digital aujourd’hui sont américains ou chinois, il faut éviter que la digitalisation ne crée des relations de dépendances trop fortes pour les pays. Une question que l’Afrique partage avec bien d’autres géographies !

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La santé des jeunes dans les pays d’Afrique sub-saharienne : un enjeu majeur dans l’optique des objectifs du développement durable

Portrait des étudiants de l’université de Lomé au Togo : des besoins de santé importants, mais des difficultés d’accès aux soins.

Portrait des étudiants de l’université de Lomé au Togo : des besoins de santé importants, mais des difficultés d’accès aux soins.

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Une expérience de la SFI et du Groupe de la Banque mondiale pour mobiliser le secteur privé en faveur du développement

Les flux financiers privés vers les marchés émergents et les économies en développement (MEED) sont aujourd’hui plus faibles qu’en 2015, lorsque le Programme d’action d’Addis-Abeba des Nations unies et l’Accord…

Les flux financiers privés vers les marchés émergents et les économies en développement (MEED) sont aujourd’hui plus faibles qu’en 2015, lorsque le Programme d’action d’Addis-Abeba des Nations unies et l’Accord de Paris ont été adoptés – engageant le monde à financer les ODD et à réduire les émissions de carbone. Les attentes étaient-elles simplement irréalistes ? Comment pouvons-nous espérer être à la hauteur du défi de notre génération ?

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Au Mali, une entreprise spécialisée dans le karité trace un exemple pour le continent

Jérémie Malbrancke et Simbala Sylla reviennent sur l’histoire de Mali Shi, entreprise malienne fondée en 2019 et premier transformateur industriel de karité dans le pays. L’histoire d’une entreprise engagée et…

Jérémie Malbrancke et Simbala Sylla reviennent sur l’histoire de Mali Shi, entreprise malienne fondée en 2019 et premier transformateur industriel de karité dans le pays. L’histoire d’une entreprise engagée et déterminée, qui permet de développer une filière créant des milliers d’emplois et valorisant des ressources locales.  

Le Mali reprend peu à peu sa place commerciale et financière en Afrique de l’Ouest depuis la levée des sanctions de la Cedeao en juillet. À la suite de la prise de pouvoir de la junte d’Assimi Goïta, l’organisation des États ouest africains avait imposé, avec ses membres, la fermeture des frontières, la suspension des échanges commerciaux et financiers et le gel des avoirs de la Banque centrale. 

Dans ce contexte redevenu favorable, l’usine Mali Shi, première unité industrielle de transformation de karité au Mali, peut reprendre sa trajectoire de développement. Avant l’installation de cette usine, le Mali, deuxième producteur mondial de noix de karité avec 250 000 tonnes par an, derrière le Nigeria, se trouvait dans une situation absurde où la totalité de la production était expédiée brute vers la Côte d’Ivoire, le Sénégal, et le Ghana, qui exportent eux-mêmes vers l’Europe des amandes et du beurre. 

Au total, le marché mondial draine entre 400 000 et 500 000 tonnes de beurre par an, représentant environ le double de noix brutes. Le beurre de karité est utilisé à plus de 85% dans l’agro-alimentaire, essentiellement pour remplacer une partie du beurre de cacao à moindre coût dans la fabrication de chocolat. Un marché en pleine croissance et une véritable aubaine pour le Mali pour un grand nombre de raisons. 

D’abord parce que cette activité repose avant tout sur les femmes. Dans le sud du Mali, ce sont elles qui récoltent les noix de karité à la fin de la saison des pluies. Après deux années d’activité, Mali Shi travaille avec une soixantaine de coopératives et déjà 26 000 femmes dans les régions de Kayes, Koulikoro, Ségou et Sikasso. L’objectif est de pouvoir travailler à terme avec 120 000 femmes, à pleine capacité. L’usine, qui emploie 97 personnes, a acheté 1 600 tonnes de noix en 2020, et 7 700 tonnes en 2021 et cible 30 000 tonnes d’ici deux ans. 

Une aubaine également car les activités de Mali Shi ont permis un grand nombre de retombées sociales positives. L’usine a financé la mise en place d’unions, en partenariat avec la Banque Mondiale, l’ONU femmes ou la Global Shea Alliance. Ces instances ont permis d’organiser les assemblées constitutives des coopératives dans les villages, d’accompagner les organisations dans les procédures de formalisation légale auprès des autorités, de diffuser les bonnes pratiques de collecte, de production et de stockage … mais aussi de former des leaders en gestion comptable, en marketing et négociation commerciale. Dans certaines zones, cet accompagnement a permis de multiplier par sept les volumes de noix récoltés d’une année à l’autre. 

Pour Mali Shi, le défi consiste désormais à assurer la continuité de l’approvisionnement en quantité et en qualité, en étroite coopération avec les communautés. Mali Shi dispose d’une équipe dédiée à l’approvisionnement, constituée de chefs de zone et d’agents présents en permanence sur le terrain, qui travaillent en étroite collaboration avec les femmes et leurs organisations. Pour sécuriser la chaîne d’approvisionnement, des contrats sont signés avec toutes les organisations de production partenaires, en s’accordant sur des quantités et des prix fixés. Il s’agit souvent de l’unique source de revenu pérenne pour les femmes partenaires de l’usine. Enfin, Mali Shi maintient les liens avec ses fournisseurs même en en dehors des campagnes d’achat, par le biais de formations sur les bonnes pratiques de collecte et de conservation des noix par exemple, ou des actions de sensibilisation sur l’entretien du parc d’arbres à karité.

Les effets positifs découlent également de la revalorisation des déchets de production. Dans le processus de transformation, les noix sont chauffées et pressées. D’un côté, il sort de l’huile végétale -appelée communément beurre de karité car solide à température ambiante. De l’autre côté, on obtient les résidus des noix, les tourteaux. Ces “déchets” utiles sont eux-mêmes réutilisés dans la chaudière de l’usine et distribués aux femmes comme combustible pour le traitement post-collecte. Rien ne se perd, tout se transforme! 

L’histoire de Mali Shi démontre l’émergence d’une nouvelle réalité économique en Afrique : des entrepreneurs locaux, déterminés, peuvent faire face à d’immenses obstacles pour développer des filières qui contribuent à créer des milliers d’emplois en valorisant des ressources disponibles localement. Les financements nécessaires, de l’ordre de quelques millions d’euros – à comparer au budget de certains programmes portés par les institutions internationales de développement – prouvent que des petits montants bien investis peuvent générer un impact considérable sur le long terme. 

Ce ne sont pas les opportunités qui manquent en Afrique, y compris dans des pays enclavés et réputés instables comme le Mali. Comme partout ailleurs, il s’agit pour réussir d’être pragmatique dans l’approche et la vision des projets entrepris et de s’entourer des bonnes compétences. Espérons que Mali Shi inspire d’autres réussites entrepreneuriales ailleurs sur le continent !

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Les déchets plastiques en Afrique : de la fatalité aux opportunités ?

Si la bataille réglementaire contre les sachets plastiques a connu des succès remarqués en Afrique, où 34 pays sur 54 en ont banni l’usage, ces victoires ne doivent pas être…

Si la bataille réglementaire contre les sachets plastiques a connu des succès remarqués en Afrique, où 34 pays sur 54 en ont banni l’usage, ces victoires ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt. Les sachets plastiques sont certes la forme la plus visible de la pollution plastique, mais ils sont loin d’en être la seule source. Il s’agit aussi d’être réaliste : l’usage du plastique n’est pas près de diminuer, pas plus que sa production. Celle-ci pourrait en effet tripler d’ici  2050, à l’heure où leurs méfaits pour la santé et l’environnement font l’objet d’une vigilance accrue.

Le sujet est particulièrement sensible en Afrique, qui est en train de devenir l’un des exutoires des déchets plastiques du reste du monde, sans compter les déchets produits localement. La difficulté à recycler et à valoriser les déchets plastiques qui s’accumulent dans les décharges à ciel ouvert devrait être l’une des priorités des décideurs politiques et des industriels. 

Alors que l’ONU pose les fondations d’un traité visant à résoudre la question des déchets plastiques, il est urgent pour l’Afrique de trouver des solutions qui n’aient pas pour seul objectif la disparition totale des emballages plastiques mais qui visent à développer des modes alternatifs de production de plastiques 100% biodégradables ou recyclables, ainsi que des services de collecte et de revalorisation

Rappelons que le plastique n’a pas que des effets néfastes. Parmi les avantages les plus évidents, les emballages plastiques ont permis d’accroître considérablement la durée de vie des aliments frais. Sans emballages adéquats, on ne pourrait transporter ni viande, ni liquide, ni un grand nombre de préparations dans les villes et les zones les plus reculées du continent. Le plastique est plus léger et plus résistant que le verre, et plus malléable que le métal. C’est un excellent isolant, imperméable, modelable en une infinité de formats, d’épaisseurs et de formes. Si cette matière est aujourd’hui aussi omniprésente, c’est parce qu’elle a démontré des bénéfices que nulle autre matière ne possédait. 

La question n’est donc pas tant la manière de se débarrasser des plastiques que d’en raisonner l’usage, d’en transformer la production et la gestion afin de les rendre recyclables et, autant que possible, de trouver de nouvelles sources (autres que le pétrole…) pour les produire.

Déjà, de nombreuses initiatives émergent  sur le continent africain, pour valoriser les déchets plastiques qui peuvent l’être : réutilisation des déchets pour en faire des briques de construction ou des poubelles publiques, ou encore collecte individuelle des déchets recyclables pour les revendre aux usines spécialisées dans leur transformation. 

Mais ces initiatives ne pourront pas déclencher un mouvement de masse à l’échelle des économies nationales africaines si de véritables circuits de production de plastiques 100% recyclables, de collecte et de recyclage, ne sont pas mis en place. Ces circuits existant pour le verre, rien n’interdit d’imaginer que de la chaîne de valeur du plastique puisse s’en inspirer. 

Tout comme pour les métaux et le verre, le recyclage des déchets plastiques a une logique économique, et des solutions techniques existent déjà (plastiques PET) ou sont en cours de développement (bioplastiques à base d’algues, de champignons, ou synthétisés par des bactéries). Le succès de chacune de ces méthodes dépendra notamment de leur capacité à s’intégrer dans un cycle plus large de réutilisation : soit pour produire du biogaz, soit comme intrant agricole, soit comme produit recyclable sous la même forme. 

Le tournant peut être pris en rassemblant chercheurs, ingénieurs, décideurs publics, industriels, usagers et tous ceux qui, aujourd’hui de manière informelle, demain peut-être en tant que salariés, vivent de la valorisation des déchets plastiques et ont de ce fait développé une expertise dans leur tri, leur collecte, leur commercialisation et leur revalorisation. 

Le fonds Moringa s’engage dans cette voie avec les sociétés de son portefeuille, à travers le projet Moringa/ATAF et la société de conseil The Right Packaging*. Les pistes de réflexion actuellement développées ciblent la maîtrise de la collecte des bouteilles d’eau et de leur recyclage, et l’emploi de procédés de décontamination haute pression (HPP) en tank plutôt que dans l’emballage pour jus de fruits – ce qui permet d’utiliser d’autres matières que le plastique (carton, verre, canette). Pour les fruits secs, il s’agit de privilégier la vente en vrac ainsi que l’utilisation des emballages flexibles mono-matériaux permettant leur recyclage. Ces pistes sont explorées notamment dans les sociétés du portefeuille de Moringa au Mali et au Bénin. 

Le marché du traitement des déchets plastiques recèle d’immenses profits potentiels, et ce même hors des frontières du continent. La production de plastique en Europe commence déjà à manquer de matériaux à recycler et une industrie de retraitement des déchets en Afrique pourrait trouver là un marché secondaire permettant de financer son développement. À terme, le plastique pourrait devenir une matière première convoitée… 

Faire coïncider les intérêts environnementaux, économiques, commerciaux et l’innovation scientifique, telle pourrait finalement être la conséquence heureuse et inattendue des solutions apportées à l’enjeu des déchets plastiques en Afrique.

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